Work in progress

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Favori pour succéder à Rishi Sunak au poste de premier ministre, Keir Starmer possède une histoire marquée par la résilience, lui permettant de comprendre les politiques sociales dont les plus précaires ont besoin pour survivre.

Oscar Tessonneau

Compromis

Comment ne pas être sensible au sang-froid des Anglais ? Ce peuple instruit, lisant quotidiennement les journaux dans les métros londoniens, les bustes ornés de vestes en tweed, s’apprêtent à élire un nouveau premier ministre social-démocrate méthodique, sachant faire des compromis. Comme le précise l’écrivain Nigel Cawthorne dans son autobiographie Keir Starmer: The Reluctant Leader, le chef du Labour s'est distingué par son goût du compromis lors de la pandémie de Covid-19.

Là où Boris Johnson avait plongé le Royaume-Uni dans le chaos avec la promesse de l'immunité collective, Starmer a suivi toutes les procédures appropriées, s'isolant et confirmant sur Twitter qu'il n'avait aucun symptôme. Cependant, cette approche méthodique n'a pas amélioré sa popularité qui fut fortement mise en danger par un vote à la chambre des communes. Cawthorne écrit qu’il a demandé aux députés travaillistes de s'abstenir de voter sur le controversé projet de loi sur les "espions policiers", qui a divisé le parti. "Ce projet de loi protège-t-il les femmes de ces abus à l'avenir ? Je pense que nous connaissons tous la réponse à cela," avait déclaré Jeremy Corbyn. Dan Carden, ministre du Trésor de l'ombre, a démissionné en signe de protestation, écrivant à Starmer : "En tant que député de Liverpool et syndicaliste, je partage les profondes préoccupations concernant cette législation de la part du mouvement travailliste, des organisations de défense des droits de l'homme, et de tant de personnes qui ont souffert des abus de pouvoir de l'État." De plus, les jeunes générations, habituées à une politique de proximité et de transparence sur les réseaux sociaux, ont souvent reproché à Starmer son manque d'authenticité et sa protection rigide de sa vie privée. "Bien que Starmer ait permis à ses traditions familiales de sortir progressivement de l'ombre, il a refusé de nommer ses enfants dans les médias, les gardant à l'écart des communiqués de presse et des photos," souligne Nigel Cawthorne.

Discrimination

L’ensemble des électeurs travaillistes que nous avons interrogé estime que le travail effectué pour sanctionner les discriminations au sein du parti a fonctionné. La première sur laquelle Starmer devait travailler était l’antisémitisme. En effet, Starmer a exclu Corbyn en 2020 lorsqu’il a tenu des propos antisémites. Comme en France, la question de l'antisémitisme reste en effet un défi pour Starmer. "L'engagement de Starmer à respecter les traditions de sa famille peut résonner auprès des électeurs plus âgés, mais les jeunes électeurs sont frustrés par ce qu'ils perçoivent comme une attaque contre la politique progressiste du Labour," note Cawthorne. Starmer a également dû faire face à des critiques pour avoir licencié Rebecca Long-Bailey en juin 2020, après qu'elle ait retweeté un article contenant une théorie de conspiration antisémite. "L'article partagé par Rebecca contenait une théorie de conspiration antisémite... L'antisémitisme prend de nombreuses formes et il est important que nous soyons tous vigilants contre lui," a déclaré Starmer.

Distance

Starmer s’est moins investi sur la question du racisme, notamment en qualifiant le mouvement Black Lives Matter de "moment". "Personne ne devrait parler de défonder la police. J'ai été directeur des poursuites publiques pendant cinq ans. Mon soutien à la police est très, très fort, et cela est prouvé par les actions conjointes que j'ai menées avec la police," avait-il déclaré à BBC Breakfast. Cette déclaration a été perçue comme minimisant l'importance du mouvement, provoquant la réaction de la députée de gauche Florence Eshalomi, qui a tweeté : "Pour les élèves de terminale à qui j'ai parlé vendredi dernier à l'école Lilian Baylis, où un certain nombre de garçons (et une fille) ont mentionné avoir été arrêtés et fouillés, Black Lives Matter n'est pas un moment. Le choix des mots dans l'interview était mauvais. Je continuerai à relayer les opinions des constituants à Keir." Cawthorne souligne qu’il est ironique que Starmer, autrefois jeune avocat socialiste idéaliste prenant la police à partie pour ses abus et ses inconduites, soit maintenant critiqué pour vouloir limiter les pouvoirs policiers. "Lorsque Starmer a vu la réaction à ses commentaires, il a rapidement admis qu'il avait tort," note Cawthorne. Cette capacité à reconnaître ses erreurs montre une volonté d'apprentissage et d'évolution, mais elle met aussi en lumière les tensions internes au sein du Parti travailliste. Ainsi, Starmer reste un homme politique dont les minorités se méfient. Ce doute est compréhensible, surtout à la lumière du retard indéfini de l'enquête Forde, une enquête sur la gestion par le Labour des plaintes d'antisémitisme, incluant la discussion du racisme anti-noir au sein du parti. "Le retard de l'enquête Forde et l'absence de date future pour la publication de ses conclusions risquent de renforcer l'impression que le parti ne prend pas au sérieux les questions de racisme anti-noir," ont écrit neuf députés noirs du Labour, dont Diane Abbott.

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