Sur l’Archipel d’Okinawa, les tensions sino-américaines s’apaisent lentement

Sur l’Archipel d’Okinawa, les tensions sino-américaines s’apaisent lentement

Bien qu’ils aient renoncé à la construction d’une nouvelle base d’autodéfense à Uruma, les militaires américains ne veulent pas quitter l’île d’Okinawa, où leur présence est mal vue par la population japonaise.

Oscar Tessonneau

L’Île aux 32 bases américaines

En 1947, la Constitution du Japon, qui renonce à la guerre, a été mise en œuvre, et le pays est devenu un allié des États-Unis, sous la protection du « parapluie nucléaire » américain, sans droit de maintenir une armée. Les bases militaires japonaises de la Seconde Guerre mondiale sont renforcées par des troupes américaines pour contrer la menace russe pendant la Guerre froide, en particulier durant la guerre de Corée (1950-1953). Okinawa est l’une des principales bases que les Américains créent au Japon. Vendredi, les journalistes du Monde indiquaient que les trois quarts des 50 000 soldats américains déployés dans le pays sont basés sur les 32 bases de cet archipel, qui ne représente que 0,6 % de la superficie du territoire japonais. Ces bases abritent environ 26 000 soldats américains, soit près de la moitié du total des forces américaines au Japon. Néanmoins, la présence des bases militaires à Okinawa est actuellement à l'origine de nombreuses controverses. Dans son article US Troops Presence on the Island of Okinawa and Its Effects on Local Residents, la politologue Agnieszka Pawnik, pointe les conséquences de cette présence sur la société locale. « En 2009 », écrit-elle, « on comptait 5 634 infractions criminelles impliquant des militaires américains, dont 25 meurtres, 127 viols et 385 cambriolages ».

 

« En 2009 », écrit-elle, « on comptait 5 634 infractions criminelles impliquant des militaires américains, dont 25 meurtres, 127 viols et 385 cambriolages ».

Ces statistiques reflètent une source constante de tension entre la communauté locale et L’Oncle Sam.

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Aujourd’hui, l’un des principaux sujets de conflit entre les militaires américains et les locaux reste la question climatique. En 2016, 4 000 hectares d’une jungle ont été restitués aux autorités locales. Cependant, Akino Miyagi, un entomologiste spécialisé dans l’étude des papillons, indiquait vendredi aux journalistes du Monde qu’elle fut horrifiée par ce qu'elle a découvert : douilles de balles d'armes automatiques et d'obus, cartouches et grenades non utilisées, haies de barbelés, parachutes en lambeaux accrochés à des branches d'arbres, canettes et bouteilles en plastique. Vendredi, des journalistes du Monde précisaient qu’en 2023, le gouvernement japonais avait déjà récupéré 15 000 douilles et 8 tonnes d'explosifs. Néanmoins, les habitants d'Okinawa s'estiment toujours victimes d'un État indifférent à leur sort : « Okinawa est, une nouvelle fois, l’otage de décisions qui ont pour seuls critères les enjeux stratégiques régionaux", a écrit Ryukyu Shimpo, l'un des deux quotidiens d'Okinawa ayant révélé la présence de substances cancérigènes dans les bases américaines.

« Okinawa est, une nouvelle fois, l’otage de décisions qui ont pour seuls critères les enjeux stratégiques régionaux"

« Les résultats du référendum du 24 février 2019 ont montré que 72 % des électeurs, soit 434 000 personnes, ont rejeté le plan de relocalisation de la base, tandis que 19 % l'ont soutenu. »

Le gouverneur de la préfecture d’Okinawa qui s’occupera du dossier se nomme Denny Tamaki. Il a pris ses fonctions en poursuivant les efforts de son prédécesseur pour réduire la présence militaire dans la région, avec le soutien du mouvement "All Okinawa", une coalition de divers partis politiques et syndicats locaux. Comme le précise Agnieszka Pawnik, il a mis en place un "référendum symbolique", non juridiquement contraignant, demandant aux habitants d'Okinawa leur avis sur la relocalisation de la base Futenma. « Environ 1,15 million de personnes étaient éligibles pour voter », écrit Agnieszka Pawnik dans son article "US Troops Presence on the Island of Okinawa and Its Effects on Local Residents". « Les résultats du référendum du 24 février 2019 ont montré que 72 % des électeurs, soit 434 000 personnes, ont rejeté le plan de relocalisation de la base, tandis que 19 % l'ont soutenu. » Malgré ce résultat, le gouvernement japonais a décidé de poursuivre son plan de relocalisation. Comme le rappelaient les journalistes d’"Asahi Shimbun", l’un des grands quotidiens locaux, dans les résultats d’une enquête réalisée en 2018 auprès de 1 125 citoyens d'Okinawa que plus de 4 habitants de l’île sur cinq sont favorables au départ des Américains. "De tous les répondants, 88 % ont affirmé qu'ils 'supportaient un fardeau trop lourd (comparé à celui du Japon continental)'", écrit Agnieszka Pawnik, ajoutant que "39 % ont indiqué que le Premier ministre de l’époque, Shinzō Abe n'écoutait pas du tout lorsque les habitants demandaient une réduction de la présence militaire". Ces statistiques démontrent la fracture entre la population locale et les autorités japonaises sur la question des bases américaines à Okinawa.

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