Les partenariats très stratégiques entre Vladimir Poutine et le président Xi

Les partenariats très stratégiques entre Vladimir Poutine et le président Xi

La visite de Vladimir Poutine à Pékin et Harbin en Chine, en réponse à celle de Xi Jinping à Moscou, ne fait qu'accentuer l'intérêt et les enjeux d’une alliance renforcée entre les deux pays, ayant déjà de nombreux partenariats commerciaux.

Oscar Tessonneau

Pragmatisme

Dans leur essai intitulé Histoire de la République Populaire de Chine, les historiens Alain Roux et Xiaohong Xiao-Planes écrivent que les relations sino-russes ont toujours été caractérisées par un pragmatisme marqué. "Depuis l'époque de Mao Zedong et Joseph Staline, jusqu'aux récentes administrations, le réalisme politique a souvent prévalu sur les idéologies partagées, dictant une relation oscillante entre collaboration et méfiance." Cette perspective historique est cruciale pour comprendre les partenariats économiques entre les deux puissances, puisque le déficit commercial de la Russie ne cesse de grimper. L'année dernière, les échanges commerciaux entre les deux géants ont explosé, atteignant 240 milliards de dollars, surpassant largement l'objectif fixé pour 2025. Ce bond remarquable illustre les besoins russes. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’industrie et l’armée russes achètent de nombreuses armes chinoises. La profonde interdépendance économique entre les deux États est notable, notamment dans les secteurs clés tels que les matières premières et l'énergie pour la Russie, et les biens manufacturés et industriels pour la Chine. "La dépendance croissante de la Russie envers le marché chinois, notamment pour ses exportations d'hydrocarbures, et l'affirmation des entreprises chinoises dans le marché automobile russe, révèlent une mutation stratégique induite par les sanctions occidentales," expliquent Roux et Xiao-Planes.

"La dépendance croissante de la Russie envers le marché chinois, notamment pour ses exportations d'hydrocarbures, et l'affirmation des entreprises chinoises dans le marché automobile russe, révèlent une mutation stratégique induite par les sanctions occidentales

"Les ventes d'armes, bien que controversées, jouent un rôle crucial dans le renforcement des liens militaires entre les deux pays, facilitant ainsi des exercices conjoints spectaculaires qui peuvent parfois perturber le trafic aérien en Chine."

Dans le feuilleton grandiose des relations sino-russes, l'aspect pragmatique des intérêts communs revêt une importance capitale. Au cœur de ces intérêts se trouve le monumental projet de gazoduc "Force de Sibérie", une prouesse d'ingénierie qui relie la Yakoutie à Heihe, sur la rive sud du fleuve Amour.  "Ce gazoduc, long de 3 000 km, est stratégique non seulement pour sa capacité à livrer 38 milliards de m³ de gaz par an pendant trente ans, mais aussi pour son coût global de 400 milliards de dollars, illustrant l'ampleur de l'investissement bilatéral," souligne l’essayiste Éric De La Maisoneuve dans son essai Le Défi Chinois. Il précise que l’impact commercial de ce projet sera significatif. "Les ventes d'armes, bien que controversées, jouent un rôle crucial dans le renforcement des liens militaires entre les deux pays, facilitant ainsi des exercices conjoints spectaculaires qui peuvent parfois perturber le trafic aérien en Chine," rapporte Maisoneuve. Ce matin, le même constat fut partagé par l’éditorialiste du Monde Alain Franchon, les États-Unis accusent l’industrie chinoise de fournir à la Russie des machines-outils utilisées dans la production de missiles balistiques, des propulseurs pour ses drones et des moteurs pour ses missiles de croisière, des composants optiques pour ses blindés et dela nitrocellulose pour l’explosif de ses munitions d’artillerie. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, le chancelier allemand, Olaf Scholz, ou le président français, Emmanuel Macron, ont chacun conjuré le chef de l’État chinois de cesser d’appuyer l’industrie de l’armement russe. Après que la secrétaire au Trésor américaine, Janet Yellen, les a menacés de sanctions qui les couperaient de transactions en dollars, essentiels pour le commerce international, les observateurs ont noté une baisse inattendue des exportations chinoises vers la Russie. Un journaliste du Monde indique qu’aux mois de mars et avril, les échanges commerciaux entre les deux pays ont respectivement baissé de 16 % et 13 % en variation annuelle, une première depuis le début de la guerre en Ukraine. Cette baisse, consignée dans les données des douanes russes, touche en particulier le secteur vital pour Moscou des machines et des équipements industriels.

"Les ventes d'armes, bien que controversées, jouent un rôle crucial dans le renforcement des liens militaires entre les deux pays, facilitant ainsi des exercices conjoints spectaculaires qui peuvent parfois perturber le trafic aérien en Chine,"

 Une union politique

Dans leur manuel, Alain Roux et Xiaohong Xiao-Planes mettent en lumière la profondeur de l'engagement stratégique entre la Chine et la Russie, soulignant une coopération qui va bien au-delà des relations commerciales ou technologiques. "Xi Jinping et Poutine partagent la volonté de remettre en cause l’ordre mondial instauré par les USA post-1945, cherchant à promouvoir un nouveau paradigme multipolaire où les voix de l'ensemble du BRICS - Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud - pourraient contester la prédominance du G7, transformé en G20,"  affirment les deux historiens. Ainsi, la visite de Vladimir Poutine n'est pas seulement une démonstration de la solidité des liens sino-russes, mais aussi un signal fort envoyé aux puissances occidentales sur la résilience et l'ambition de cette alliance. Les sanctions américaines, visant à restreindre l'accès de la Chine aux technologies de pointe, ont non seulement échoué à isoler Pékin mais ont également poussé la Chine à intensifier sa collaboration avec la Russie, notamment dans les domaines de la défense et de la haute technologie.  "Ce choix stratégique est d'autant plus pertinent que la Chine continue de détenir une part importante de la dette américaine, évaluée à 1 200 milliards de dollars en bons du trésor, et maintient des liens économiques substantiels avec les entreprises américaines malgré les tensions."  écrivent Roux et Xiao-Planes. Dans ce contexte complexe, la diplomatie et l'économie se croisent avec les stratégies de défense. Elles reflètent non seulement les dynamiques de pouvoir en cours mais aussi les calculs stratégiques à long terme de deux des principaux acteurs sur l'échiquier international, soudés par une vision commune de réduction de l'hégémonie occidentale en faveur d'un ordre mondial plus équilibré.

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