Le parcours politique atypique de Robert Fico

Le parcours politique atypique de Robert Fico

Hier, les Slovaques ont appris avec stupeur que leur Premier ministre, Robert Fico, a été la cible d'une tentative d'assassinat. Les faits se sont déroulés lors d'un conseil des ministres à Handlova. Fico, 59 ans, a été grièvement blessé, touché par plusieurs balles dont une dans l'abdomen, mais est stable selon les derniers rapports.

Oscar Tessonneau

Un fantôme de Mečiarisme

L'auteur de l'attaque contre Robert Fico est un homme de 71 ans, ancien vigile de supermarché et poète amateur. Très instable sur un plan politique et psychiatrique, ce dernier avait des liens passés avec des milices paramilitaires prorusses et avait récemment participé à des manifestations pro-européennes, pour s’opposer aux choix de son premier eurosceptique. Le politologue Marcel Martinkovič associe cette dynamique à un "mečiarisme vs. antimečiarisme"persistant, en référence à l'ancien Premier ministre Vladimír Mečiar dont les politiques avaient autant polarisé la société slovaque que celles menées par Robert Fico depuis le mois de juillet 2006, où il se fait élire. Martinkovič précise que sa coalition, qualifiée de minimum gagnante, a réuni deux partis, le SMER-SD avec 50 sièges, le SNS avec 20 sièges et le ĽS-HZDS avec 15 sièges, pour un total de 85 mandats sur 150 au Parlement. Cette alliance, initialement présentée comme idéologiquement connectée, s'est avérée pleine de contradictions et de tensions programmatiques. "Malgré les déclarations post-électorales du chef du SMER-SD, qui signalaient la possibilité d'une coopération gouvernementale avec le KDH, cela ne s'est finalement pas concrétisé." écrit Marcel Martinkovič dans son essai Coalition Governments and Development of the Party System in Slovakia

"Malgré les déclarations post-électorales du chef du SMER-SD, qui signalaient la possibilité d'une coopération gouvernementale avec le KDH, cela ne s'est finalement pas concrétisé."

. L'une des problématiques majeures de cette coalition a été sa perception par le Parti des socialistes européens (PES), qui a suspendu l'adhésion du parti de Robert Fico à sa faction parlementaire européenne suite à la formation de la coalition gouvernementale avec le SNS. "Le PES a suspendu l'adhésion de SMER en raison de la création de la coalition gouvernementale avec le SNS, perçu comme nationaliste et extrêmement droitier par ses partenaires européens," souligne Martinkovič, mettant en lumière les divergences idéologiques profondes au sein de la coalition. La répartition des postes ministériels a également révélé un déséquilibre significatif, avec SMER occupant 11 postes ministériels, contre seulement 3 pour le SNS et 2 pour le ĽS-HZDS. "La proportion des représentants de la coalition au Parlement et dans l'exécutif était de 23.5:18.75 pour le SNS et de 17.7:12.5 pour le ĽS-HZDS," écrit Stanislav Balík, professeur à l’université de Brno. Il précise que la Slovaquie, sous la gouvernance de Fico,

Rebelote

En 2010, le SMER-SD de Robert Fico a remporté les élections avec 34.79% des voix, représentant 880,111 votes et obtenant 62 sièges. Cependant, malgré ce succès électoral, Fico a été incapable de former une majorité gouvernementale sans ses alliés précédents, ayant éloigné son parti du groupe socialiste au parlement européen. "Les élections de 2010 ont été marquées par un nombre élevé d'affaires de corruption. Robert Fico, à la tête de SMER-SD, est devenu une figure polarisante dans le contexte politique slovaque, en raison de son style de politique populiste et conflictuel, ainsi que de l'opposition à son exercice du pouvoir et du manque de responsabilité politique pour les scandales de corruption pendant son premier gouvernement en 2006-2010," ajoute l'analyste, tout en affirmantque ces problèmes ont également eu lieu en septembre 2016, puisque des partis d’extrême-droite sont arrivés au gouvernement. L'entrée du parti K–ĽS NS a entraîné une polarisation idéologique accrue et a indirectement influencé la formation du gouvernement. "Du point de vue de la science politique, ce parti est considéré comme une entité antisystémique latente et répond aux critères de l'antisystémicité classique de l’extrême-droite," ajoute Martinkovič. Cela n’empêche pas Robert Fico de créer une coalition de gouvernement. "La création de la coalition en 2016, où SMER-SD a obtenu neuf ministères, reflète la domination de Fico dans l'exécutif slovaque," explique Martinkovič.

"Du point de vue de la science politique, ce parti est considéré comme une entité antisystémique latente et répond aux critères de l'antisystémicité classique de l’extrême-droite."

L’extrême danger

Confronté à une montée de l’extrême-droite la plus radicale en Slovaquie, Robert Fico doit trouver de nouvelles solutions afin de garder une bonne cote de popularité. "Les défis de Fico ne se limitaient pas seulement à la gestion des tensions internes mais touchaient également la perception internationale de son gouvernement, surtout après la suspension de l'adhésion de SMER au Parti des Socialistes Européens (PES) suite à la formation de la coalition avec le SNS, perçu comme nationaliste et extrême, écrit Martinkovič. Enfin, il précise que le positionnement politique de Fico a été mis à l'épreuve lors des déclarations publiques qu'il a faites pendant les élections régionales, ce qui a sans doute aidé son principal rival, le leader du parti d'extrême-droite Ľudová strana Marian Kotleba, à gagner en popularité. Fico, reconnu pour son style politique souvent populiste, se trouvait alors dans une position délicate, ayant à gérer la montée d'une droite extrême tout en maintenant l'équilibre au sein de son propre gouvernement. "La victoire de Kotleba aux élections régionales de Banská Bystrica, en tant qu'indépendant, a marqué un tournant dans la politique slovaque, illustrant la capacité des mouvements extrémistes à capitaliser sur les faiblesses et les erreurs des politiciens établis comme Fico," ajoute Martinkovič. Ainsi, Fico, tout en essayant de rester au pouvoir, a dû naviguer à travers un paysage de plus en plus complexe et polarisé, où ses adversaires politiques ont trouvé des opportunités dans ses propres faiblesses stratégiques.

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