L’étrange périple en politique de Giorgia Meloni

L’étrange périple en politique de Giorgia Meloni

Égérie des mouvements traditionnalistes italiens, avec des positions ultraconservatrices sur des questions liées à l'IVG et aux droits des femmes, la Première ministre se montre plus modérée sur la scène internationale.

Oscar Tessonneau

Anti-IVG

Depuis son ascension au pouvoir en octobre 2022, Giorgia Meloni, leader de Fratelli d’Italia a réussi sa mue. Elle représente aujourd’hui l’archétype de la dirigeante conservatrice, parfaitement acceptée dans les plus hautes sphères européennes grâce à son soutien massif aux Ukrainiens. Néanmoins, elle garde des liens étroits avec les milieux catholiques ultraconservateurs en Italie. Son soutien récent à la présence de militants antiavortement dans les hôpitaux, décourageant les femmes d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), s’inscrit dans la continuité de ses engagements aux côtés de mouvements tels que la Manif pour tous Italia. Dans les années 2010, Meloni participe à des campagnes anti-genre, comme celle du Bus de la liberté. « Le Bus de la liberté sillonne plusieurs villes italiennes avec des slogans anti-genre, soutenu aussi par Giorgia Meloni, qui publie un post de soutien avec une miniature dudit bus », écrit le politologue Massimo Prearo dans son essai L'hypothèse néocatholique. Il précise que ces positions ultraconservatrices sont également mises en lumière lors des élections législatives de mars 2018. Durant la campagne, Meloni se rapproche du Comité Difendiamo i Nostri Figli, qui participe activement à la campagne électorale, exprimant une particulière affection pour Fratelli d’Italia. « Massimo Gandolfini, la figure de proue du mouvement, publie des communiqués de presse pour donner une indication de vote pour les partis qui ont défendu la cause anti-genre et pro-vie et surtout pour qu’ils ne votent pas pour Giorgia Meloni », précise Massimo Prearo. Ainsi, c’est grâce à ces engagements aux côtés des ultraconservateurs que Meloni et son parti Fratelli d’Italia conquièrent le cœur des Italiens. Le parti, actuellement au pouvoir, passe de 2 % des voix en 2013 à 4 % en 2018, puis à 26 % en 2022. « La courbe ascendante de ce succès politique, notamment en Italie, est superposable à la courbe ascendante du succès politique des mouvements anti-genre », écrit Massimo Prearo.

Pro-vie

En Italie, les mouvements pro-vie que Meloni soutient, issus des marges radicales du mouvement pro-vie, ont réussi à imposer leur agenda dans le débat public et à mobiliser lors de grandes manifestations à Rome en 2015 et 2016. Depuis sa victoire électorale en 2022, Giorgia Meloni s'efforce également de renforcer sa proximité avec les autres mouvements conservateurs européens. "Giorgia Meloni espère amener, de l’intérieur, l’Europe à 'changer d’identité'". Sa stratégie, consistant à se présenter comme une dirigeante de la droite classique malgré des décisions ultraconservatrices en Italie, semble porter ses fruits. Ce matin, des journalistes du Monde affirmaient que le 23 mai, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a affirmé que Giorgia Meloni "est clairement proeuropéenne". Pourtant, le passé de Meloni ne laissait pas présager un tel changement. Montre-t-elle une forme d’opportunisme afin de redorer son image et de paraître moins sulfureuse ?

Hypocrisie

Depuis son arrivée au pouvoir, Meloni s’est rapprochée de mouvements partageant les positions qu’elle défendait lors d'un discours place San Giovanni à Rome. La Première ministre italienne y déclarait que les sociétés des autres pays européens avaient des valeurs incompatibles avec celles qu’elle défend, notamment lorsqu’elle parle des familles mononucléaires : "Maintenant, on parle d’enlever l’expression 'père' et 'mère' sur les documents. Car la famille, c’est un ennemi, l’identité nationale, c’est un ennemi, l’identité de genre, c’est un ennemi. [...] Moi, je suis Giorgia, je suis une femme, je suis mère, je suis italienne, je suis chrétienne. Vous ne me l’enlèverez pas ! Vous ne me l’enlèverez pas !" Prearo écrit que ces expressions sont directement importées du champ militant ultranationaliste que partagent les alliés européens de Meloni. Fratelli d'Italia est une organisation liée à d’autres partis antigenre comme Law and Justice (PiS en Pologne et Vox en Espagne. Prearo précise qu’ils sont rassemblés au sein du groupe European Conservatives and Reformists ECR au Parlement européen. "Fratelli d’Italia [...] s’inscrit fortement dans une collaboration transnationale. [...] Il est l’allié des partis Law and Justice (PiS) polonais et Vox espagnol", précise le politologue. Cette proximité avec les milieux catholiques ultraconservateurs est également illustrée par des événements comme le Congrès mondial des familles (WCF) de Vérone en 2019, longuement analysé dans le livre de Prearo : "Dimanche 31 mars 2019, sur la place attenante à la Gran Guardia, peu avant le début du cortège de la Marche pour la famille organisée pour clôturer le Congrès, on pouvait lire sur nombre de pancartes colorées la phrase 'Dieu, patrie, famille, quelle merveille !'" écrit Prearo. Il précise que ce slogan revisité de la devise fasciste montre la convergence idéologique entre les mouvements néocatholiques et la politique de Meloni. Ainsi, bien que Giorgia Meloni tente de se présenter comme une dirigeante modérée et proeuropéenne sur la scène internationale, sa proximité avec les milieux ultraconservateurs montre la différence entre ses prises de position diplomatiques et nationales.

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