Julian Assange : une décennie de luttes

Julian Assange : une décennie de luttes

Julian Assange, icône pour toute une génération d'autistes puisqu’il a été diagnostiqué lors de son procès, a quitté la prison britannique de Belmarsh. Il laisse derrière lui une décennie de luttes juridiques et diplomatiques qui ont mis en lumière de nombreux enjeux relatifs à la liberté d'informer.

Oscar Tessonneau

Les Éléments Clés de la Défense

Le procès pour l'extradition d'Assange vers les États-Unis a commencé le 24 février 2020. Pendant quatre jours intenses, la défense d'Assange a présenté ses arguments, cherchant à démontrer l'injustice d'une extradition vers les États-Unis. Dans son livre The Trial of Julian Assange, le professeur de droit britannique Nils Melzer écrit : « Les avocats d'Assange ont soumis divers ensembles de preuves visant à réfuter les faits allégués par l'accusation et ont présenté des arguments juridiques oralement et par écrit. Essentiellement, leur raisonnement contre l'extradition d'Assange vers les États-Unis peut être résumé en quatre principaux arguments. »

Premièrement, la défense et sa femme Stella, avocate de profession, ont souligné que la décision de poursuivre Assange était politiquement motivée. Melzer explique : « Dix-sept des dix-huit chefs d'accusation de l'acte d'accusation américain concernaient l'espionnage, qui est l'exemple classique d'une infraction politique. » Ce point crucial s'appuyait sur le traité d'extradition anglo-américain, qui interdit expressément les extraditions pour des infractions politiques, rendant ainsi l'extradition d'Assange illégale selon ses avocats. Deuxièmement, durant son asile à l'ambassade d'Équateur, Assange avait été privé de nombreuses libertés fondamentales, puisqu’il restait soumis à une surveillance systématique. Melzer rapporte : « Ses conversations confidentielles avec ses avocats avaient été enregistrées par des agents coopérant avec les services de renseignement américains. »

Dans son essai consacré à Julian Assange, Melzer écrit que ces accusations constituaient un abus de procédure si grave qu'il rendait la procédure d'extradition entière irrémédiablement arbitraire. Melzer écrit que cette révélation a choqué l'assistance, montrant jusqu'où les autorités étaient prêtes à aller pour obtenir des informations, divulguées par un homme ayant accessoirement des troubles autistiques. De plus, la défense a argumenté qu'extrader Assange vers les États-Unis équivaudrait à le soumettre à un traitement inhumain. Melzer note : « Si Assange était extradé vers les États-Unis, il y avait un risque réel qu'il soit exposé à un déni flagrant de justice, tant lors du procès qu'à l'étape de la condamnation, qu'il puisse recevoir une peine grossièrement excessive allant jusqu'à 175 ans de prison et qu'il soit soumis à des conditions de détention cruelles, inhumaines et dégradantes, toutes constituant un obstacle insurmontable à son extradition. »

Les Réponses de l’Accusation

Julian Assange doit encore se présenter devant un tribunal sur les îles Mariannes avant de pouvoir retourner en Australie, son pays natal, où il pourra enfin retrouver son épouse et leurs deux jeunes enfants, qui n'ont connu leur père qu'en prison. Comme le révélaient ce matin les journalistes de Libération, WikiLeaks a célébré cette décision comme une victoire issue d'une « campagne mondiale », rappelant que l'organisation « a publié des informations inédites sur la corruption des gouvernements et les violations des droits humains. »

Toutefois, cette libération est teintée d'amertume pour nombre de ses soutiens. Nils Melzer, dans son livre The Trial of Julian Assange, décrit comment l'accusation a habilement orchestré sa communication pour influencer les médias. Il note que des documents avaient été préparés pour les journalistes, facilitant ainsi le reportage conforme aux positions américaines diffusées lors du procès.

Silence médiatique

Malgré l'énorme impact des révélations de WikiLeaks, les anciens partenaires médiatiques de l'organisation, comme Der Spiegel, qui avaient publié les fuites sensationnelles de 2010 et 2011, seraient restés silencieux face aux injustices subies par Assange. Melzer critique sévèrement cette attitude : « Dans l'ensemble, les médias établis semblaient mordre à l'hameçon et rapportaient docilement le "il a dit, elle a dit" superficiel joué au tribunal plutôt que de dénoncer la dissection de la justice et de l'état de droit se déroulant juste devant leurs yeux. »

Cette couverture médiatique passive et conformiste de médias aussi sérieux que la BBC, autrefois bastion de la liberté d'expression, a choisi de ne pas s'engager, montre les véritables enjeux d’un procès ayant de telles répercussions politiques. Néanmoins, la parodie de Justice décrite par Melzer n'a pas échappé à l'Institut des droits de l'homme de l'Association internationale du barreau (IBAHRI), qui a publié un communiqué de presse exceptionnellement sévère. Le juriste anglais précise que les auteurs du communiqué exprimaient un choc profond que, « en tant que démocratie mature dans laquelle l'état de droit et les droits des individus sont préservés, le gouvernement britannique soit resté silencieux et n'ait pris aucune mesure pour mettre fin à une conduite aussi grossière et disproportionnée de la part des fonctionnaires de la Couronne. ». Ainsi, alors que Julian Assange attend sa comparution devant le tribunal des îles Mariannes, ses soutiens continuent de se battre pour sa liberté totale

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