En mettant à pied l'espion Robert Malley, Joe Biden a montré ses talents de stratège

En mettant à pied l'espion Robert Malley, Joe Biden a montré ses talents de stratège

Recruté par Le Pentagone pour travailler sur le Moyen-Orient, l'ancien diplomate fut suspendu par Joe Biden en juillet 2023, au vue de sa proximité avec le régime des Mollahs, l'un des plus sanglants du monde avec celui de Vladimir Poutine.

Oscar Tessonneau 

Face au tiers-mondisme

Aux États-Unis, peu de diplomates incarnaient aussi bien l'establishment que Robert Malley. Et pourtant, cet ancien proche de Joe Biden fut limogé pour sa proximité avec l'Iran, un pays où des foules endoctrinées par le discours des Mollahs brûlent le drapeau aux 51 étoiles. "Robert Malley a étudié dans des universités très prisées. Il a fait un master à Oxford," indiquait Ingrid Betancourt, l'ancienne candidate aux élections présidentielles colombiennes de 2022, lors d'une conférence organisée par le maire du 15e arrondissement, Philippe Goujon (LR).

Avant son départ du Pentagone en 2023, grâce à un choix très courageux de Joe Biden, démontrant toute la finesse que le président démocrate a su montrer dans certains de ses choix tactiques. Pourtant, tout avait bien commencé pour l'espion iranien. Dans son essai intitulé An Introduction to Middle East Politics, le politologue Benjamin Macqueen précise que Malley s'est d'abord fait remarquer pour ses discours sur les mouvements de libération nationale comme l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), très active lors de la révolution de 1979, ou les différents mouvements politiques soutenant la création d'un État palestinien. International Macqueen précise que pour Malley, ces mouvements palestiniens ou iraniens auraient "justifié leurs actions sur la base de revendications d'autodétermination nationale," ancrant leurs aspirations dans une critique profonde de l'impérialisme, teintée d'influences marxistes. C'est dans ce cadre idéologique que Malley, avec sa conception du « Tiers-mondisme », propose dans les années 90, une vision englobante de la lutte des peuples du Tiers Monde, en présentant les moudjahiddines comme des mouvements du Tiers-Monde aux aspirations révolutionnaires des masses du Tiers Monde, dans un essai publié en 1996, "The Call from Algeria : Third Worldism, Revolution, and the Turn to Islam".

La tragédie de Camp David II

Selon Benjamin Macqueen, Robert Malley s'est rendu au sommet organisé le 5 juillet 2000 par Bill Clinton. Il était accompagné du journaliste Hussein Agha, aujourd'hui spécialiste des questions israélo-palestiniennes au Monde Diplomatique. Macqueen précise que les deux hommes ont déconstruit la narration populaire qui mettait en avant les solutions proposées par le premier ministre israélien Ehud Barak pour apaiser les relations entre les deux peuples, solutions refusées par Yasser Arafat craignant une extension massive des colonies dans certaines provinces. Néanmoins, Macqueen apporte dans son livre une perspective critique sur le rôle d'Arafat dans cet accord de Camp David, en grande partie négocié par Robert Malley : "Le Premier Ministre Barak a-t-il fait des erreurs dans ses tactiques, ses priorités de négociation et son traitement d'Arafat ? Absolument," écrit Macqueen, reconnaissant que les fautes ne reposaient pas sur les épaules d'un seul camp, mais étaient partagées entre les acteurs impliqués. Dans ce contexte tendu, Macqueen précise dans son livre que l'intervention de Robert Malley et du journaliste Hussein Agha apporte une dimension supplémentaire à l'analyse. Ainsi, à Camp David, l'argument de Robert Malley selon lequel les Palestiniens n'avaient jamais reçu d'offre formelle israélienne pour arrêter l'extension des kibboutz sur les territoires offerts aux Palestiniens après les accords d'Oslo de 1994, semble faux. « En surface » écrit Macqueen au sujet des accords de Camp David, « l'échec des négociations elles-mêmes a été attribué à un refus de la part d'Arafat d'accepter une offre sans précédent de la part des Israéliens. Cependant, cela est vivement contesté," soulignent-ils, révélant les couches de complexité qui entourent ces moments décisifs de l'histoire. Dennis Ross, un acteur fondamental dans la négociation du conflit israélo-palestinien, insiste sur l'importance de ne pas ignorer les discours tenus par Yasser Arafat. "Pour Dennis Ross" écrit Benjamin Macqueen, "ces négociations devaient être placées dans un contexte plus large d'intransigeance palestinienne," argumentant ainsi, et soulignant un point de friction qui persiste dans l'évaluation des raisons profondes derrière l'échec de Camp David

Un espion au coeur d'une Intifada

Après les accords de Camp David, le Moyen-Orient se retrouve fortement bousculé par la seconde intifada. Plus couramment appelée Intifada al-Aqsa, cette dernière commence le 28 septembre 2000, trois mois après le sommet de Camp David II. Comme le précisait le journal libanais L'Orient-Le Jour, dans un article paru le 11 novembre 2023, l'opération lancée par le Hamas le 7 octobre se nomme déluge Al-Aqsa. Ce nom fait référence à celui d'une mosquée ouverte à Jérusalem en 1035. Comme Macqueen l'écrit, l'évènement déclencheur de cette seconde Intifada est la visite du premier ministre Ariel Sharon au Haram ash-Sharif, le 28 septembre 2000, interprétée par les Palestiniens comme une provocation, et a catalysé une réaction en chaîne de violence, illustrant la fragilité de la paix dans une région où les symboles et les gestes revêtent une importance capitale. "Cela a été symbolisé par l'éclatement de la violence en 2000," rappelle Macqueen, mettant en perspective les événements qui ont conduit à l'intensification dramatique du conflit. En 2002, Robert Malley reviendra très longuement, dans la très sérieuse revue Foreign Affairs, sur cette Intifada. Son article s'appelle "The Last Negotiation". Il y décrit une polarisation croissante du conflit, qui complique davantage les efforts de paix. "Cette intensification des tensions était alimentée par un durcissement des attitudes des deux côtés," souligne également Benjamin Macqueen dans son essai, mettant en lumière les multiples facteurs qui contribuent à la détérioration de la situation. Dans ce climat d'incertitude et de tension, Robert Malley rejoint un lobby influent : l'International Crisis Group. Le politologue français Charles Philippe David écrit dans son essai "Comment Trump a-t-il changé le monde ?" que l'espion iranien était fortement opposé à l'arrivée d'Israël dans la province du Golan en 2019, et utilisait sa proximité avec les Démocrates pour le faire savoir. "Robert Malley, président de l'International Crisis Group, observe une augmentation des risques de guerre," écrit David, articulant les conséquences d'une ère marquée par des décisions controversées, des alliances remises en question, et une région suspendue au bord de l'implosion. Enfin, une question se pose. Comment Malley a-t-il pu se faire une place au Pentagone, en adoptant exactement les mêmes positions qu'un régime sanglant que les Américains ont toujours combattu avec la plus grande fermeté ?

 

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