Santé mentale : Les solutions des socialistes pour sauver nos établissements

Santé mentale : Les solutions des socialistes pour sauver nos établissements

Dans le cadre de la Journée mondiale de la santé mentale, deux figures du Parti Socialiste Français à L' Assemblée se sont unies pour proposer une réforme profonde de nos établissements psychiatriques. 

Oscar Tessonneau 

« Après six mois d'auditions, une tribune a été publiée par la Fondation Jean-Jaurès. » 

Chantal Jourdan, députée de l'Orne, Joël Aviragnet, élu de Haute-Garonne, et Antoine Pelissolo, responsable du pôle psychiatrie du CHU Henri Mondor et secrétaire national à l'hôpital du Parti Socialiste, ont récemment proposé une refonte complète du système de santé mentale en France. Après six mois de travail, les trois socialistes rédigent un rapport. Publié par La Fondation Jean Jaurès, ce dernier pointe une dégradation notable de la santé mentale depuis la crise sanitaire. Selon une enquête de Santé publique France citée dans le rapport, environ 24,1% des Français sont affectés par l'anxiété. Parallèlement, près de 17,1% souffrent de symptômes dépressifs. 

Ce chiffre est en augmentation de 7 points, puisque 10% des français éprouvent  des idées suicidaires, ce qui représente une hausse de 6 points par rapport aux précédentes études. Face à ce constat, les deux députés ont des projets ambitieux.  Pour financer cette réforme, ils proposent un accroissement des budgets de 4 milliards d'euros sur cinq ans.  "Tous les groupes peuvent signer le texte, pas uniquement les groupes de gauche pour qu'elles puissent être reprises par l'Assemblée nationale. Néanmoins, ce texte ne sera pas adopté. Il va servir de base pour déposer des PPL. Mais il faut déjà que Bercy ait la volonté de mobiliser des fonds pour répondre à ce besoin. Bruno Le Maire est plutôt dans une optique de réduction des coûts." affirme Joël Aviragnet, député de la 8e circonscription de la Haute-Garonne.

Conscients que leur volonté d'augmenter de 20 % le nombre d'internes en psychiatrie est ambitieuse, les deux députés souhaitent qu'il y ait également plus de personnel dans les centres médico-psychologiques et psychiatriques (CMPP). Ces mesures sont clés pour réduire les temps d'attente pour les consultations et améliorer la prise en charge des patients. "Il y a deux choses : d'une part le coût, puis la question d'inégalité devant l'accès aux soins. À Toulouse, il y a un hôpital psychiatrique et énormément d'établissements privés. Ainsi, à l'hôpital psychiatrique public, on retrouve les personnes les plus en difficulté. À l'Hôpital de Barjac, 75% des personnes accueillies sont hospitalisées sans consentement", souligne Joël Aviragnet. 

Une régression alarmante 

À l'Assemblée, les propositions du groupe socialiste sont ambitieuses. C'est une nécessité, car la psychiatrie française s'essouffle. Dans leur rapport publié par la Fondation Jean-Jaurès, Aviragnet et Jourdan révèlent que, malgré la gravité de la situation, le système de santé mentale français souffre d'un sous-financement chronique. Lors du festival La Grande Évasion organisé par Mediapart, le cinéaste Nicolas Peduzzi mettait en lumière ce problème de santé publique. 

"On remplit des cases pour calculer le nombre de cachets distribués et cie. Mais ce n’est pas là le cœur du métier. La relation humaine, c'est ce qui permet à un enfant qui court dans les murs d'un établissement, qui grimpe sur les murs, d'être calmé en fin de journée. Tu es content quand il peut se poser, regarder un livre. Mais pour en arriver là, il faut passer du temps avec lui, ce que les professionnels de la santé mentale ne font plus. Aujourd'hui, on ne fait que des tâches matérielles à la chaîne, parce qu'on trouve que, tout simplement, c'est plus tout l'administratif", affirme Joël Aviragnet. 

Les moyens manquent 

Ces témoignages de l'édile montrent que les établissements psychiatriques, tels que les CMP et les IME  où l’on offre avant tout du lien social aux patients, dépendent de dotations annuelles trop faibles. Dans leur rapport, les deux députés expliquent que ces aides n'ont vu leur financement augmenter que de 12,5 % sur plusieurs décennies, une progression bien moindre que celle du budget global de la santé, ce qui favorise l'augmentation du nombre de soins ambulatoires. 

"L'ambulatoire, c'est une bonne alternative à l'hospitalisation, à condition que les moyens mobilisés pour le mettre en place et le faire fonctionner soient au moins égaux aux moyens communs à l'hôpital dans le cas d'une hospitalisation. Il faut des équipes suffisamment importantes et étoffées pour accompagner les personnes et leur permettre de se prendre en charge en les associant au processus de soins", affirme Aviragnet. Cette réalité qu'il dénonce découle directement d'un manque de vision et d'investissement à long terme dans notre système de santé mentale depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. 

Le bilan mitigé du dispositif « Monpsy" 

Les stratégies de 2018 et 2021, en dépit de certaines promesses, ont été marquées par une carence de moyens financiers significatifs et une approche morcelée de la santé mentale. Le programme "MonPsy", bien qu'ayant pour objectif de rembourser les consultations psychologiques, se trouve limité dans sa mise en œuvre et insuffisant en termes de rétribution des psychologues, ce qui entraîne une faible adhésion de ces derniers. 

"Le dispositif ne fonctionne pas. D'une part, il y a la question des 7 séances limitées avec un psychologue. C'est une vision très administrative et technocratique. Autrement dit, lorsqu’on propose une psychothérapie à une personne, on ne sait pas combien de temps elle va durer", nous indique Joël Aviragnet. 

Ces cinq dernières années, le nombre d'hospitalisations à la suite de tentatives de suicide ou d'automutilations chez les 10-14 ans a doublé. Dans leur rapport, Jourdan et Aviragnet montrent que diverses inégalités socio-économiques aggravent ces statistiques. Ainsi, en France, les personnes appartenant aux premiers déciles de revenus sont 1,5 à 3 fois plus susceptibles de souffrir de troubles de santé mentale, une tendance qui s'est accentuée depuis la crise Covid. "La pandémie a exacerbé une situation déjà précaire, plongeant de nombreux Français, en particulier les jeunes, dans un désarroi psychologique profond, certains s'autodiagnostiquant TDAH sur TikTok. Notre dispositif actuel est obsolète et requiert une intervention immédiate et audacieuse", affirmait un spécialiste de la santé mentale que nous avons rencontré. 

En réponse à cette crise de la santé mentale en France, les deux députés socialistes appellent à la création d'un service public territorial de la santé mentale. Devant ce constat indéniable, ils proposent un "plan Marshall pour la santé mentale". Cette initiative, plutôt ambitieuse, vise à revaloriser le travail des professionnels du secteur, à accroître de manière significative les ressources humaines et financières dédiées à la santé mentale des Français, et à établir une loi de programmation pluriannuelle pour intégrer de façon pérenne les enjeux de la santé mentale dans les politiques publiques. 

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