La mort de Paul, cycliste de 27 ans, révÚle nos difficultés collectives à bien nous déplacer

La mort de Paul, cycliste de 27 ans, révÚle nos difficultés collectives à bien nous déplacer

Le 20 octobre, Ă  Paris, un rassemblement s'est tenu en hommage Ă  Paul, un jeune cycliste de 27 ans, tragiquement dĂ©cĂ©dĂ© aprĂšs avoir Ă©tĂ© percutĂ© par une voiture. Des associations plaident pour des actions dĂ©cisives visant Ă  rĂ©inventer l’espace urbain et Ă  favoriser des modes de transport plus sĂ»rs, dans l’espoir de prĂ©venir d’autres drames liĂ©s aux dangers de la route.

Oscar Tessonneau

"Ce n'est pas seulement un accident, c'est notre sociĂ©tĂ© qui a tuĂ© Paul," dĂ©clare un porte-parole de Tous En Selle, l’association oĂč Paul Ă©tait actif. À cĂŽtĂ© de Geoffroy Didier, un proche de ValĂ©rie PĂ©cresse engagĂ© pour que les Parisiens utilisent encore des voitures sur le pĂ©riphĂ©rique et dans les quartiers de la capitale, ces paroles rĂ©sonnent comme un Ă©cho Ă  la brutalitĂ© qui se cache derriĂšre chaque coup de klaxon. Lors de l’hommage d’hier, des applaudissements ont accompagnĂ© les vĂ©los des participants en l’honneur des Ă©lus prĂ©sents, dont Ariel Weil, le maire de Paris Centre. Paul, jeune homme dĂ©vouĂ© Ă  la vie associative de son quartier, a payĂ© de sa vie le prix de cet Ă©chec. Sa disparition symbolise l’incapacitĂ© d’un modĂšle urbain Ă  protĂ©ger les plus vulnĂ©rables, comme les cyclistes, face Ă  la domination des vĂ©hicules Ă  moteur, dĂ©fendus par certains responsables politiques qui s’opposent aux rĂ©formes Ă©cologiques telles que l’interdiction des moteurs thermiques d’ici 2035.

Contrairement Ă  certains Ă©lus, qui semblent avoir oubliĂ© d'abandonner leurs postures d'apparatchiks, les membres de l'association insistent sur le fait que la problĂ©matique est enracinĂ©e dans les mentalitĂ©s françaises. "La France accuse un retard Ă©norme. Il est temps de combler ce fossĂ© en mettant en place des infrastructures garantissant la sĂ©curitĂ© des cyclistes, et en prenant des mesures contre les conducteurs imprudents responsables de la mort de Paul", nous confiait Arnaud*, un militant de Tous En Selle ! , ce matin par mail. Selon lui, ce n'est pas seulement un chauffeur isolĂ© qui est en cause, mais un systĂšme politique, promu depuis des dĂ©cennies par une Ă©lite productiviste, qui tarde Ă  s’attaquer aux dangers posĂ©s par les voitures polluantes et nuisibles. Dans son essai De quoi l’urbanisme est-il le projet ?, AndrĂ© Lortie explique que cette polarisation est intrinsĂšquement liĂ©e Ă  des choix urbanistiques et politiques.

« Les espaces urbains les plus attractifs attirent les investisseurs »

Pour nombre de militants prĂ©sents hier, l’urbanisme actuel "transgresse les Ă©quilibres historiques des territoires", crĂ©ant un espace de concurrence oĂč chacun lutte pour sa survie, notamment les cyclistes face aux vĂ©hicules motorisĂ©s. Les activistes de Tous En Selle ! plaident pour l’interdiction des voitures dans certains cas spĂ©cifiques. "Quand on retire le permis, les conducteurs continuent souvent de rouler. Mais lorsqu’on confisque le vĂ©hicule, c’est fini", nous confiait un membre de l'association oĂč militait Paul. Selon eux, sa mort n’est pas qu’un malheureux incident. Elle incarne la faille d’un systĂšme politique oĂč la voiture rĂšgne toujours en maĂźtre absolu. Depuis les annĂ©es 1980, la France a structurĂ© ses villes Ă  travers des lois telles que la loi Pasqua de 1995 ou la loi SRU de 2000. Lortie observe que ces politiques visaient une "densification contrĂŽlĂ©e des espaces urbains". Certaines initiatives, comme la limitation de circulation des vĂ©hicules anciens par les vignettes Crit’Air, participent Ă  la transformation des paysages urbains. Mais plusieurs membres de Parisenselle estiment que ces mesures restent insuffisantes. Ils sont convaincus que le modĂšle actuel concentre les ressources Ă©conomiques dans les zones dĂ©jĂ  prospĂšres. "Les espaces urbains les plus attractifs attirent les investisseurs," note Lortie. Cette logique renforce les inĂ©galitĂ©s territoriales, tout en consolidant la suprĂ©matie des transports rapides et motorisĂ©s, qui ont coĂ»tĂ© la vie Ă  Paul, notamment dans les zones excentrĂ©es des principaux axes de communication. "La planification repose souvent sur des critĂšres de vitesse et de densitĂ© de population", Ă©crit Lortie. Cette approche, fondĂ©e sur la performance des infrastructures, fait abstraction des rĂ©alitĂ©s complexes vĂ©cues par les habitants qui souhaitent abandonner leur voiture au quotidien.

Une nouvelle conception du confort

Hier, les militants de Tous En Selle dĂ©nonçaient un "espace public dominĂ© par l’automobile, oĂč les cyclistes sont invisibilisĂ©s." Ils rĂȘvent d’une ville qui intĂšgre pleinement les mobilitĂ©s douces, tout en offrant une qualitĂ© de vie et un accĂšs Ă©galitaire aux services. Lortie appelle Ă  une urbanisation fondĂ©e sur le "confort collectif", qui ne se rĂ©sume pas Ă  des infrastructures techniques mais englobe aussi des "commoditĂ©s matĂ©rielles et immatĂ©rielles" destinĂ©es Ă  amĂ©liorer la vie quotidienne : espaces verts, commerces de proximitĂ©, installations de loisirs, centres de soins, et surtout, des amĂ©nagements garantissant des dĂ©placements sĂ©curisĂ©s et harmonieux pour tous. Ce confort inclut Ă©galement, selon Lortie, la proximitĂ© avec la nature, des "vues dĂ©gagĂ©es sur des paysages lointains", et une concentration d’offres culturelles et sociales. Cependant, comme il le souligne, ces biens de confort ne devraient pas ĂȘtre des privilĂšges rĂ©servĂ©s Ă  une minoritĂ©, mais des ressources accessibles Ă  l’ensemble de la population. "En Ă©conomie politique, les 'biens de confort domestique' sont dĂ©finis comme ceux que le progrĂšs technique rend accessibles au plus grand nombre," Ă©crit-il. Ce principe doit Ă©galement s’appliquer Ă  l’amĂ©nagement urbain : les infrastructures de transport et les Ă©quipements doivent ĂȘtre conçus pour promouvoir l’inclusion et l’équitĂ©.

Ainsi, Lortie prĂ©conise une redistribution des ressources urbaines afin de garantir que chaque citoyen puisse profiter de services tels que des concerts dans une salle municipale ou un marchĂ© local le dimanche matin, financĂ©s par des taxes locales redistribuant Ă©quitablement les richesses sur tout le territoire. "Le confort ne se mesure pas uniquement par des indicateurs Ă©conomiques comme le PIB. Il s’agit d’un Ă©quilibre subtil entre aspects matĂ©riels et immatĂ©riels qui influencent la relation des habitants Ă  leur environnement," Ă©crit-il. Cette vision Ă©largit la notion de confort en y intĂ©grant des dimensions subjectives souvent nĂ©gligĂ©es dans les politiques urbaines. Lortie va plus loin en affirmant que "le cadre de vie se traduit par des perceptions sensibles comme la prĂ©sence de verdure ou la qualitĂ© de l’air." Le 19 octobre, la mort tragique de Paul a ouvert une rĂ©flexion parmi les Parisiens sur l’avenir de leur ville. Paul, lui-mĂȘme engagĂ© dans sa commune, a marquĂ© la mĂ©moire collective.

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