Quand les Jeux Paralympiques se transforment en bataille politique

Quand les Jeux Paralympiques se transforment en bataille politique

Ala veille de jeux paralympiques polémiques, au vue des conditions de vie des patients dans Les IME et les foyers d'accueil médicalisé ( FAM) , Emmanuel Macron, en difficulté pour nommer un(e) premièr(e) minsitre doit gouverner une France divisée. Au fil des heures, elle se transforme en un nouveau type de régime politique proche de celui que la politologue avait conceptualisé: la démocratie agonistique. Oscar Tessonneau

Oscar Tessonneau

Blocage

Ce’est une évidence : les Jeux Olympiques ont été une réussite. Au fil des jours et des épreuves, Emmanuel Macron a tenté de transformer plusieurs succès sportifs en une série Netflix hagiographique, rythmée par ses propres victoires politiques. Les Français avaient même parfois l’impression d’oublier que les français n'avaient pas de premier ministre. Ils n'en ont toujours pas. Emmanuel Macron n'a pas trouvé chaussure à son pied. Entre Lundi et Vendredi, il a reçu tous les groupes politiques, afin de trouver, sans succès, un(e) nouveau/nouvelle locataire pour l’hôtel de Matignon. Nombre d’entre eux lui ont rappelé qu’il devait accepter qu’une alternance politique se mette en marche, avec ou sans LFI, au vu des indications données par Jean-Luc Mélenchon samedi. Vendredi, ses proches, comme Édouard Philippe et Gabriel Attal, sont les seuls qui ont fui les journalistes, en leur précisant simplement que « la réunion s’était bien passée ». Ainsi, tout fut mis en place pour qu’Emmanuel Macron repousse la nomination d’un(e) Premier/ère ministre aux calendes grecques, afin que divers affrontements idéologiques entre les partis se poursuivent pendant des Jeux Paralympiques très attendus par les Français. Selon une étude citée ce samedi dans Libération  par la présidente du groupe de travail « Protection des publics et diversité de la société française » de l’Arcom, Laurence Pécaut-Rivolier, 60 % des spectateurs de l’audiovisuel français ont l'intention de suivre les épreuves paralympiques, où le président pourra se mettre en valeur. Néanmoins, ce chiffre ne résoudra pas tous les problèmes, dans une France qui est progressivement devenue au fil des jours une démocratie agonistique.

Des désaccords aux affrontements

Inventé par la politologue et amie de Jean-Luc Mélenchon, Chantal Mouffe, ce concept fut élaboré autour de la distinction entre l'agonisme et l'antagonisme, une différenciation qui bouleverse les conceptions traditionnelles du débat public. « Mon approche agonistique se conçoit comme un champ de bataille où les projets hégémoniques s’affrontent, sans aucune possibilité de réconciliation finale », écrit Mouffe dans le livre des politologues Linda Cardinal et Pascale Dufour,  Autour de Chantal Mouffe : Le politique en conflit .Ce concept est particulièrement pertinent dans cette séquence politico-médiatique où des milliers de récits s’opposent. Pendant les consultations des groupes politiques, le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, indiquait vendredi au micro de  Rightbrain  : « Le programme du Nouveau Front Populaire est archaïque sur le plan économique. Il mènerait directement la France au déclassement et les Français à l'appauvrissement. » De l’autre côté, quelques proches de Lucie Castets, comme l'Insoumis Hadrien Clouet, vice-président de la Commission des Affaires sociales à l'Assemblée Nationale, pensent qu'avec quelques réformes fiscales, l'Etat français pourrait aider des français précaires, comme ceux qui ont un handicap. Grâce à une Exit Tax et une Flat Tax, l'AAH pourrait ainsi être indexée sur le SMIC : « La France Insoumise défend l'indexation de l'AAH sur le SMIC, d'abord en la portant au même niveau, pour assurer la dignité des personnes. »

"La puissance publique a un pouvoir sur la hiérarchie des salaires."

Clouet nous précise qu'aujourd'hui, 20 % des bénéficiaires de l'AAH reçoivent une aide alimentaire, tandis que 10 % ne peuvent s'acquitter des cotisations de complémentaire santé. À la différence des Républicains ou de Jordan Bardella, convaincus que les hausses de revenus de ces personnes doivent avant tout provenir de leur travail, leur épargne, puis leurs salaires, Hadrien Clouet souhaite revaloriser l'AAH touchée par de nombreux Français en situation de handicap, comme les usagers d'Esat, au même rythme que l'inflation. Convaincu que le coût de la vie ne doit pas faire décrocher le pouvoir d'achat des bénéficiaires, Clouet souhaite que l'État français puisse intervenir sur la question des salaires pour protéger les plus démunis, grâce à des mécanismes de redistribution plus justes. « Bien sûr que la puissance publique a un pouvoir sur la hiérarchie des salaires. Si jamais on fixait une hiérarchie par exemple de un à vingt dans les entreprises, bien sûr que la puissance publique s'en emparerait », affirmait Hadrien Clouet ce vendredi sur France Info. Dans ce contexte, où différents camps s’opposent et font valoir leurs idées sur des questions aussi vastes que les revenus des personnes en situation de handicap, Mouffe écrit que les adversaires doivent être reconnus comme légitimes, même si leurs idées s'opposent. « Mon approche de la démocratie est loin d’être envisagée, comme c’est le cas chez Habermas par exemple (Jürgen Habermas est un penseur allemand ayant fondé l’école de Francfort), comme le terrain privilégié pour la recherche du consensus. » écrit Mouffe.

Hégémonie

Chantal Mouffe se distingue de ses contemporains grâce à ses textes sur les antagonismes. Contrairement à Hannah Arendt, qui voit dans la pluralité humaine une source de richesse et de réciprocité, Mouffe rappelle que cette pluralité est également à l'origine de conflits irréductibles, mis en lumière la semaine dernière par Éric Ciotti et Laurent Wauquiez lorsqu'ils évoquaient leur haine de La France Insoumise. « Ce que l’on trouve chez elle, c’est ce que j’appellerais un “agonisme sans antagonisme” », écrivent Linda Cardinal et Pascale Dufour au sujet de Mouffe. La critique de Mouffe s'étend également aux travaux de la philosophe William E. Connolly dont l'approche de l'agonisme se concentre sur la contestation sans chercher à intégrer la dimension hégémonique essentielle de la contestation pour Mouffe. Pour rappel, la philosophe belge est persuadée que toute idée consensuelle sur des sujets très divers comme l'immigration ou le handicap est contestable. « Ce qui est important pour elle, c’est de garantir l’expression de la pluralité et d’empêcher que ne soit mis un terme au procès de questionnement », écrivent Cardinal et Dufour. Ainsi Mouffe voit dans l'hégémonie une dimension incontournable de la politique. Elle critique l'idée de Connolly selon laquelle un « respect agonistique » peut suffire à structurer un espace public démocratique. Pour Connolly, ce respect naît de notre condition commune, de notre lutte pour l'identité et de la reconnaissance de notre finitude. Toutefois, Mouffe pose une question fondamentale : « Est-ce que tous les antagonismes peuvent être transformés en agonisme ? » Cette interrogation sur les limites du respect agonistique révèle la nécessité, selon elle, de tracer des frontières claires entre ce qui est acceptable dans un espace démocratique et ce qui ne l'est pas.

« Est-ce que tous les antagonismes peuvent être transformés en agonisme ? »

Ce refus de tout relativisme est au cœur de la pensée de Mouffe. Pour elle, une politique démocratique ne peut se réduire à la simple expression juridique de la pluralité ; elle doit également inclure des moments de décision, d'inclusion et d'exclusion, qui sont autant d'actes hégémoniques. Si l'on suit le point de vue de Mouffe, il serait totalement possible d'exclure du débat public des commerciaux de l’Agefiph, comme Philippe Ephritikhine ou Romane Méreaux, exposant un Trivial Pursuit sur un stand du Club France pour faire une sensibilisation ludique au public à la question des ESAT, des lieux ou les usagers n'ont parfois pas de salaires . Depuis vendredi, nous avons également vu comment des groupes politiques souhaitaient exclure La France Insoumise des discussions autour du poste de Premier/ère ministre. Pour que ces conflits irréconciliables entre des groupes aient lieu, Mouffe écrit que des mouvements sociaux et politiques aussi différents que le NFP ou le Rassemblement National doivent se créer.Mouffe souligne la nécessité d'« unir des mouvements sociaux disparates dans des subjectivités collectives politiques par l’intermédiaire d’oppositions à des ennemis et des adversaires ». Parmi ces mouvements, on peut citer les minorités stigmatisées comme les personnes racisées ou en situation de handicap, rassemblés dans des organisations associatives et politiques. Représentés pendant plus de 15 jours lors des jeux olympiques, ces publics malvoyants ou en fauteuil roulant peuvent s’opposer à des mesures prises dans le domaine du sport ou de la politique. Pour s'opposer à une décision, Mouffe écrit que ces groupes doivent définir un « autre » à combattre. Néanmoins, on peut se demander à quoi ressemble cet autre pour les personnes en situation de handicap. Samedi, la journaliste de Libération Camille Sciauvaud révélait que pour beaucoup de personnes en situation de handicap éloignées du monde des pro-business, cet autre à combattre est incarné par Craig Spence. Responsable de la marque et de la communication du Comité international paralympique (IPC), Spence affirme que l'utilisation de l'humour pour attirer une audience plus jeune montre une autre facette de cette lutte pour la reconnaissance de handicaps, que les collectifs antivalidistes plus radicaux souhaitent développer en luttant contre un système politique.

 

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