Récemment sorti d'une " dépression sévère", l'ancien champion des 12 coups de midi s'est confié à Rightbrain sur ses troubles autistiques et son rapport aux autres.
Oscar Tessonneau
Vous portez un syndrome souvent difficile à évoquer en France, où l’autisme oscille entre deux extrêmes, celles de l’autiste Asperger génial et de l’autiste plus sévère que l’on isole de la société. Comment expliquez-vous cette différence ?
Paul El-Kharrat : Il y a un ensemble de critères qui lient peu ou prou les personnes porteuses d'autisme. J’en faisais partie. Je ne réponds pas forcément à tous les critères présents. Justement, je ne coche pas tous les critères parce que le cerveau humain a une certaine plasticité. Il y a toujours une évolution qui s'opère donc au fil des jours, des mois, des années. Il peut y avoir un renouveau de l'individu qui s'opère et qui fait qu'il y a peut-être une plus grande facilité à saisir le second degré, à accepter les imprévus, à accepter que les habitudes soient remises en question.
Toute personne qui n'est pas neurotypique est considérée comme potentiellement anormale, étrange, bizarre par nos pairs. C'est assez trivial et rageant de le constater, mais c'est ainsi. Parfois, je suis rattrapé par le désir de solitude, d'isolement, d'autisme au sens étymologique du terme, être centré sur soi-même. J'ai besoin de moments de calme et de solitude, et je pense que je ne suis absolument pas le seul dans ce cas de figure. Je suis dans un cas de figure où c'est un changement perpétuel, que ce soit régressif ou extensif. En fonction de mon environnement, j'ai une sensibilité qui s'accroît et qui fait que je me mute en une personne différente. Pas tout à fait la même qu'avant.
Depuis plusieurs années, vous êtes chroniqueur aux Grosses Têtes. Quelles différences ressentez-vous entre participer à une émission télévisée comme Les Douze Coups de Midi et être chroniqueur radio ?
Paul El-Kharrat : Je continuerai l'an prochain pour une nouvelle saison. Ce que j’aime à la radio, c’est faire des remarques décalées qui peuvent nourrir la conversation. Comparer quelqu'un à une tenue que portait un acteur dans un film, par exemple, montre une clarté et une fierté de culture, des références cinématographiques, historiques, etc. Cela peut enrichir le débat. La radio me permet de partager mes connaissances culturelles et historiques.
Votre famille vous a soutenu tout au long de votre parcours. Comment décririez-vous l'impact de ce soutien sur vos succès ?
Paul El-Kharrat : J'ai été soutenu par ma famille, en particulier par ma mère dans les rendez-vous médicaux pour obtenir un diagnostic. Elle a toujours été présente. Mon père a été un peu plus en retrait, mais quand même présent parce que je suis son enfant. La réaction paternelle et maternelle n’a pas été la même, mais au final, il n’y avait pas vraiment le choix que de continuer à vivre avec cette nouvelle qui n'est pas si nouvelle que ça. Le soutien de ma famille a été crucial pour m'aider à naviguer dans la vie avec ce diagnostic. Ils m'ont donné la force et le soutien nécessaires pour poursuivre mes études et mes passions, malgré les défis liés à l'autisme.
Vous décrivez votre mémoire comme une bibliothèque bien organisée. Comment cette mémoire exceptionnelle influence-t-elle votre processus créatif en tant qu'écrivain ?
Paul El-Kharrat : J'ai une bonne mémoire des chiffres et des dates. Je suis en mesure de donner la date de beaucoup d'événements. L'utilité est limitée dans la vie quotidienne, mais le savoir que j'ai engrangé et capitalisé se retrouve dans les livres que j'écris. Même si c'est très spécifique et axé sur la criminologie, c'est aussi très utile dans les Grosses Têtes où mes connaissances et mon savoir sont les bienvenus. Mon savoir aide à éviter de donner des réponses incorrectes et de faire des erreurs qui coûteraient cher au public.
Dans vos livres, vous explorez des événements historiques et criminels. Qu'est-ce qui vous motive à aborder ce sujet, et que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent ?
Paul El-Kharrat : Je suis intéressé par l'histoire des guerres de succession, des conflits, des dynasties royales. C'est la narration, la psychologie, etc., qui m'attirent dans ces sujets. Cela me permet de créer une narration qui tient en haleine, qui intéresse, qui instruit et qui fait réfléchir sur la nature humaine, sur la profondeur du psychisme, et sur le contexte historique, social et économique d'une période donnée. Je souhaite que mes lecteurs réfléchissent à la nature humaine et à la complexité des motivations humaines, tout en offrant une perspective historique riche. Je veux que mes livres soient une invitation à explorer les profondeurs de la psychologie humaine et à réfléchir sur les implications historiques des événements que je décris.
Depuis votre diagnostic du syndrome d'Asperger, comment avez-vous vu votre perception de vous-même évoluer au fil des années ?
Paul El-Kharrat : J'ai été diagnostiqué à 16 ans. À l'époque, cela a eu un impact significatif sur ma perception de moi-même. Je suis quelqu'un qui a une hypersensibilité exacerbée, ce qui complique la création de liens amicaux. Quand je suis face à une tierce personne qui veut être mon ami ou s'approcher de moi, elle subit une analyse en profondeur. Quand il y a quelque chose de travers, je peux être le plus éclairé des spots, mais cela ne se traduit pas nécessairement par la création d'une amitié pleine et durable. Je préfère souvent rester seul que d'avoir des fréquentations qui ne me conviennent pas. Cela me fait mal, ça m'agresse. Je suis persévérant et je continue de croire que je rencontrerai les bonnes personnes, mais c'est un défi constant. En termes de relations, c'est toujours très délicat pour moi de me créer un cercle d'amis. Pour moi, ce sont souvent des connaissances fugaces, car la déception et les désillusions sont fréquentes.
Que pensez-vous de l’accompagnement vers le travail proposé aux autistes ces dernières années ? Sur les réseaux sociaux, nous voyons beaucoup de contenu publié par le président de l’Agefiph, Christophe Roth, laissant entendre que leur insertion socio-professionnelle progresse.
Paul El-Kharrat : Je pense que c'est du discours sournois, où l'on parle beaucoup et on agit très peu. Pour 90% de blabla, il y a à peine 10% d'actions. Toutes les promesses sont faites, mais peu de projets sont réalisés. Concernant l'autisme et l'insertion des personnes en situation de handicap, qu'elles soient autistes, trisomiques ou qu'elles aient d'autres pathologies, l'insertion ne se fait pas à grande échelle et n'est pas très représentée. Il y a énormément d'efforts à faire et d'actions à entreprendre pour permettre une pleine et entière insertion des personnes en situation de handicap. Beaucoup de personnes souhaitent être utiles à la société, mais sont souvent rejetées à cause de leur potentiel étrangeté ou bizarrerie, ou parce que leur mode de fonctionnement ne convient pas aux normes établies.
Après avoir publié quatre livres et participé à plusieurs émissions, quels sont vos projets pour l'avenir, tant en tant qu'écrivain que personnalité médiatique ?
Paul El-Kharrat : Je suis quelqu'un qui a beaucoup de projets. En tant qu'écrivain, je souhaite continuer à explorer des sujets historiques et criminologiques dans mes livres. Je veux prouver encore une fois que je suis présent quand on me le demande et que j'ai beaucoup à offrir. J'aimerais aussi être interrogé sur d'autres sujets qui me passionnent et pouvoir prouver ma valeur dans différents contextes. En tant que personnalité médiatique, je veux continuer à être une voix importante et à contribuer aux discussions sur des sujets qui comptent. Je crois que ce que j'ai à dire est très intéressant et j'ai envie qu'on m'écoute. Pour cela, je dois écumer les plateaux de télé pour parler, m'exprimer, et partager mes idées. C'est quelque chose que je veux poursuivre, car cela me permet d'utiliser ma plateforme pour sensibiliser et informer les autres. Je suis ambitieux et j'espère pouvoir continuer à étendre mes capacités et à explorer de nouvelles opportunités.
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