La Flat Tax : un impÎt que les Français adorent

La Flat Tax : un impÎt que les Français adorent

S’ils remportent les lĂ©gislatives, plusieurs dĂ©putĂ©s investis par Renaissance et le Nouveau Front Populaire (NFP) ont indiquĂ© Ă  notre rĂ©daction qu’ils sont favorables au rĂ©tablissement de l'ISF.

Oscar Tessonneau

Hostilité

Le 24 fĂ©vrier 2017, Emmanuel Macron, alors candidat Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique, annonçait dans Les Échos sa volontĂ© d'Ă©tendre la flat tax Ă  tous les retraits de contrats d’assurance-vie. Ce projet se heurta rapidement Ă  une opposition farouche. La FĂ©dĂ©ration française de l’assurance (FFA) rĂ©agit rapidement. Le 9 mars 2017, elle publia un sondage rĂ©alisĂ© avec IPSOS, rĂ©vĂ©lant que 77 % des Français Ă©taient hostiles au projet de Macron d’une flat tax sur tous les produits de l’épargne, y compris l’assurance-vie. "Ce sondage a ensuite fait l’objet d’une couverture mĂ©diatique consĂ©quente", se souvient Aude Martin, journaliste Ă©conomique. La FFA soulignait Ă©galement sur son site que les assurances françaises dĂ©tenaient au total 18 % de la dette française, impliquant que le retrait des sommes placĂ©es en assurance-vie par les gros Ă©pargnants pourrait rendre plus difficile le refinancement de la dette française. Une semaine aprĂšs cette publication, lors des « Assises de l’épargne et de la fiscalitĂ© » organisĂ©es par l’association d’épargnants AFER, Jean Arthuis, ex-ministre de l’Économie et des Finances, annonça un revirement. "Ce prĂ©lĂšvement ne concernerait que les nouveaux versements effectuĂ©s sur des contrats dont l’encours est supĂ©rieur Ă  un plafond", dĂ©clara-t-il, prĂ©cisant que ce plafond pourrait s’élever Ă  150 000 euros par personne, soit le plafond des plans d’épargne en actions (PEA).

Populaire

Dans cette scĂšne digne d’un Ă©pisode de la sĂ©rie politique House Of Cards, oĂč les coups de poker s’enchaĂźnent, le lobby de l’assurance-vie a su dĂ©montrer son pouvoir d’influence : il est parvenu Ă  faire reculer le candidat Macron moins d’un mois aprĂšs l’annonce de son projet de PFU, alors mĂȘme que l’affaire Fillon semblait lui avoir facilitĂ© le chemin vers la prĂ©sidence de la RĂ©publique. Finalement, en arrivant au pouvoir, Emmanuel Macron mettra en Ɠuvre la flat tax Ă  30 %, malgrĂ© une opposition initiale massive. Pourtant, l’impĂŽt sur la fortune est historiquement l’une des mesures les plus approuvĂ©es par les Français. La flat tax, ou PrĂ©lĂšvement Forfaitaire Unique (PFU), a Ă©tĂ© une rĂ©forme fiscale majeure. Ses origines et ses implications sont souvent comparĂ©es aux prĂ©cĂ©dentes rĂ©formes fiscales, notamment celles de l'ImpĂŽt sur les Grandes Fortunes (IGF). L'IGF, créé en 1981 par le gouvernement Mauroy, visait Ă  taxer les patrimoines supĂ©rieurs Ă  trois millions de francs avec des taux progressifs allant de 0,5 % Ă  1,5 %. En 1982, 104 000 contribuables l'acquittĂšrent, gĂ©nĂ©rant une recette de trois milliards de francs. Cependant, la distinction entre le "capital" des entreprises et la "fortune" des particuliers a menĂ© Ă  l'exclusion des biens professionnels de l'assiette de l'impĂŽt, avec un abattement de 2 millions de francs sur ces mĂȘmes biens.  AprĂšs ces nombreux cafouillages, la droite dĂ©cide de supprimer l'IGF en 1986, conformĂ©ment Ă  ses promesses lors des lĂ©gislatives. Patrice Cahart, alors directeur de la lĂ©gislation fiscale, se souvient de cette Ă©poque : « JuppĂ©, alors ministre dĂ©lĂ©guĂ© au budget du nouveau gouvernement Chirac, Ă©tait un cadet de l’Inspection. Il vient me voir, trĂšs pressĂ©, pour me demander de rĂ©diger le projet de suppression de l’IGF. Je l’ai alors averti : Quoiqu’on en pense sur le fond, l’IGF est le seul impĂŽt populaire puisque les Français ne le payent pas. Mais JuppĂ© a insistĂ©, disant que c’était une promesse de campagne qu’il fallait absolument tenir. » La mesure s'avĂ©ra impopulaire, contribuant Ă  la dĂ©faite de Jacques Chirac aux prĂ©sidentielles de 1988 contre François Mitterrand. Comme le raconte le Pr. Martin Collet, « À l’époque c’est un sujet qui a fait polĂ©mique. Il murmurait, aprĂšs sa dĂ©faite Ă  la prĂ©sidentielle de 1988 contre Mitterrand, qu’il pensait avoir perdu Ă  cause de la suppression de cet impĂŽt. »  Or, lorsque Chirac revint au pouvoir en 1995, cette fois comme prĂ©sident, il ne chercha pas Ă  abroger l'ImpĂŽt de SolidaritĂ© sur la Fortune (ISF), rĂ©tabli sous un nouveau nom par Mitterrand mais presque Ă  l'identique. Ces allers-retours lĂ©gislatifs et les dĂ©bats intenses qu'ils suscitent rappellent la complexitĂ© de la mise en place d'une taxation Ă©quitable des richesses en France. La flat tax d’Emmanuel Macron, malgrĂ© ses objectifs de simplification, reste le fruit d’un accord trĂšs impopulaire que l’actuel prĂ©sident de la RĂ©publique a conclu avec le patronat.

 Attractivité

Les raisons de cette rĂ©forme sont Ă©galement stratĂ©giques. DĂšs 2017, le Journal du Dimanche et Europe 1 rĂ©vĂšlent que 800 000 € des dons de campagne au mouvement En Marche, ayant rapportĂ© 6,3 millions d’euros, provenaient de Français expatriĂ©s Ă  Londres, ce qui souligne l'intĂ©rĂȘt de la place financiĂšre londonienne pour ces rĂ©formes. Ces contributions financiĂšres, probablement nĂ©gociĂ©es dans un grand restaurant parisien autour d’une bouteille de vin, n’ont probablement pas Ă©tĂ© faites par simple loyautĂ© envers un parti naissant. Elles s'expliquent par l’intĂ©rĂȘt direct que ces riches contributeurs avaient Ă  la suppression de l’ISF sur le capital mobilier et Ă  la crĂ©ation d’une flat tax sur les revenus du capital. « Les 1 % des plus riches ont vu leur revenu disponible augmenter de 2,2 % en moyenne grĂące au PFU et de 5,5 % grĂące Ă  la suppression de l’ISF sur le capital mobilier, soit une augmentation totale de 7,7 % de revenu disponible supplĂ©mentaire chaque annĂ©e », rĂ©vĂšlent les donnĂ©es fiscales analysĂ©es par l’auditeur de justice Mathieu Bauchard, dans son livre *Emmanuel Macron et l'imposition de la richesse*. Ces chiffres deviennent encore plus significatifs lorsqu’on considĂšre les segments les plus Ă©levĂ©s de la distribution des revenus. « La flat tax a Ă©tĂ© une vĂ©ritable aubaine pour les plus aisĂ©s », commente Luc Jaillais, avocat associĂ© du cabinet C’M’S’ Francis Lefebvre, qui a souvent Ă©tĂ© consultĂ© par les politiques sur des sujets de fiscalitĂ©. « Cette rĂ©forme a clairement favorisĂ© les dĂ©tenteurs de capitaux importants, en simplifiant et rĂ©duisant leur imposition », ajoute-t-il.

 

 

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