"On ne parle pas à des personnes en situation de handicap mais avant tout à des porteurs et porteuses de projet. On est orientés sur les solutions à mettre en place tout en prenant conscience des problématiques existantes. "

"On ne parle pas à des personnes en situation de handicap mais avant tout à des porteurs et porteuses de projet. On est orientés sur les solutions à mettre en place tout en prenant conscience des problématiques existantes. "

Aux côtés de plusieurs acteurs du monde de l'entreprise, comme la mutuelle Malakoff Huamnis, la plateforme de recrutement Make Sense a récemment inauguré une résidence inclusive dans le 20ème Arrondissement de Paris. Pour évoquer ce projet innovant, nous avons interrogé Sylvia Garzon, Directrice des programmes de coopérations territoriales chez Make Sense

Oscar Tessonneau

-En créant cet espace dans le 20ème arrondissement, Make Sense a-il voulu créer un espace où l'on pourra librement parler de l'autisme, dans un pays comme La France où entre 1 et 5 d'entre eux travaillent ?

Makesense (plus large que Jobs That Make Sense qui est notre plateforme d’emploi à impact) a souhaité aux côtés de la Mairie du 20e arrondissement créer un espace où on met le sujet du manque d’accessibilité de beaucoup de pans de notre société au centre, pour déployer des coopérations innovantes à tester sur le territoire.

Nous avons souhaité ne pas distinguer ou choisir les types de handicap adressés, chaque structure qui postulait présentait son activité et ses bénéficiaires spécifiques. L’autisme est un sujet très représenté dans la Résidence puisque plus de 4 structures agissent pour que l’autisme soit mieux connu que les personnes concernées se sentent moins discriminées dans tous les espaces de la société (école, emploi, accès au droit, espaces politiques, loisirs, culture…). Ces structures sont CLE Autistes, Le Relais Atypique, ATFAL et J’imaginerais.

-Avez-vous travaillé avec des consultants ( Specialisterne, l'Arepjeh, Aspiejob, ou Asperteam fondée par la commerciale Stéphanie Fouquet) ?

Non, nous n’avons pas travaillé avec ces acteurs. Notre projet de Résidence n’a pas une ambition de représentation précise du syndrome puisque ce sont directement les structures concernées qui prennent la parole. Les structures sont elles-mêmes composées de personnes autistes, ou ayant un enfant ou proche autiste.

Nous pensons que ce sont vraiment les porteurs de projets qui ont la meilleure connaissance de l’autisme et notre rôle au sein de la Résidence de l’Accessibilité avec makesense est de les outiller d’un point de vue méthodologique pour développer leur projet et l’ancrer dans le 20e. La seconde partie du projet sera davantage centrée sur la création de projets collectifs. Nous sommes en quelques sorte une malette de bricolage où chaque projet vient piocher les outils nécessaires pour renforcer leur vision.

-Quels ont été les principaux défis rencontrés lors de la traduction de leurs troubles de l’interaction sociale dans la construction du projet?

Nous adaptons sans cesse nos façons de faire aux personnes avec lesquelles nous travaillons. Chez makesense, on croit beaucoup à la puissance du collectif et à l’échange : on fait de brise-glace, on provoque un maximum de discussion entre des personnes qui ne se connaissent pas… On s’est vite rendus compte qu’il fallait y aller doucement car ces méthodes ne sont pas adaptées à tout le monde et peuvent brusquer. Mais qu’on soit autiste ou non, chacun.e a des façons différentes d’intéragir, alors on essaye de les comprendre au mieux et de s’adapter.

On a vécu cela aussi pour les bureaux. En effet, les porteurs de projet ont accès à des bureaux au sein de la Mairie du 20e. Au début, on a du adapter l’utilisation des locaux et la répartition des personnes en constatant des usages très différents. Un exemple : dans un même bureau, une personne autiste avait besoin d’une lumière tamisée et une autre personne avait en raison de son handicap besoin d’une lumière très forte pour lire sa tablette.

-Pouvez-vous partager avec nous un moment du projet qui, selon vous, capte particulièrement bien la réalité de ce que vivent les gens qui rejoindront la structure dans la mairie du 20ème arrondissement?

Au sein de la Résidence, nous organisons pour les structures des temps de convivialité, car on est convaincus qu’à la base de la coopération, il y a beaucoup de liens humains. Il faut créer l’envie de travailler ensemble ! 

Lors du premier déjeuner organisé en février dans la Résidence, nous étions une énorme tablée avec une belle diversité de plats représentant un peu la variété des profils autour de la table ! On a profité de ce repas pour faire ce qu’on appelle un “bar à contacts” : chacun.e évoque un besoin de contact actuel pour le développement de son projet et toutes les autres personnes autour de la table se mobilisent pour lui partager des contacts utiles. Ca a été très riches, plusieurs mises en relation créées et on a à nouveau vu beaucoup d’entraide entre les résidents !

- Quel message souhaitez-vous que le public retienne à travers ce projet ?

En un mot : la coopération ! Nous souhaitons vraiment que ce lieu soit un espace qui crée de l’échange. Notre objectif final est de faire émerger 3 à 4 projets collectifs qui répondent à des besoins concret du 20e arrondissement en terme d’accessibilité.  Et c’est génial de pouvoir faire vivre ces coopérations entre les résidents mais aussi avec la Mairie puisque nous sommes directement dans leurs locaux !

- Comment avez-vous apporté une touche de positif et de bien-être, en abordant une question aussi sensible que la vie des handicapés mentaux en France ?

 Comme évoqué précédemment, on ne traite pas uniquement des personnes avec un handicap mental. Chez makesense, une de nos valeurs est “Enjoy the ride together”. Ca a un petit côté start-up nation mais c’est en anglais car nous sommes une communauté internationale. C’est une valeur profondément ancrée pour nous. Même si les sujets abordés sont très sérieux et parfois très difficiles, nous offrons des moyens joyeux et positifs de s'engager avec makesense et autour du projet de la Résidence de l’Accessibilité. Nous pensons qu’il faut soigner le chemin qu’on fait toutes et tous ensemble en prenant soin du collectif et en célébrant les réussites.

Et puis nous avons constaté que ça faisait du bien aux personnes elles-même d’être dans un lieu où on met l’accent sur le collectif, l’entraide, l’innovation sociale. On ne parle pas à des personnes en situation de handicap mais avant tout à des porteurs et porteuses de projet. On est orientés sur les solutions à mettre en place tout en prenant conscience des problématiques existantes. Cet espace de travail permet aux poteurs et porteuses de projet en situation de handicap ou aidantes de sortir un peu de leur quotidien et d’être accompagnés dans leur épanouissement via le développement de leur projet.

- Quels conseils donneriez-vous à une personne souhaitant financer une entreprise adaptée ( EA) ou créer un ESAT?

Ce n’est pas notre métier, nous n’avons pas d’expertise là dessus.

-  Quelle a été votre approche pour construire ce lieu?

Ce lieu est né d’une initiative portée par l’association Les Canaux et la Mairie du 10e arrondissement : la Résidence de l’Eau. En 2019, ils ont créé un lieu rassemblant une quinzaine de structures qui en échange d’un espace de travail, s’engagaient à coopérer pour créer des projets collectifs autour de la thématique de l’eau dans le 10e. La Résidence de l’Eau après 3 ans d'existence est devenue la Résidence du DUrable. 

La Mairie du 20e avait entendu parler de cette initiative et a souhaité mettre en place un projet équivalent centré sur l’accessibilité. En effet, le 20e arrondissement est celui où il y a le plus haut taux de personnes en situation de handicap à Paris et est en plus confronté à une précarité importante. C’est un sujet prioritaire pour l’arrondissement.

A partir de ce souhait, nous avons rencontré plusieurs associations locales pour comprendre les besoins en terme d’espace de travail, d’accompagnement et de souhait de coopération. Nous avons pu adapter le projet de la Résidence avec deux phases : une première de 6 mois pour accompagner les projets à se renforcer grâce à des formations et du coaching. Nous entamerons cet été une deuxième phase pour la création des projets collectifs.

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