Les emprunteurs, premières victimes de la crise politique

Les emprunteurs, premières victimes de la crise politique

L'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale a provoqué une onde de choc sur les marchés financiers, particulièrement visible à travers la hausse des taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à dix ans. Cette hausse, combinée à l'incertitude politique, pourrait avoir des répercussions importantes sur les emprunts immobiliers.

 Oscar Tessonneau

Investir différemment

Hier, lors d'une conférence de presse à Paris, le président Emmanuel Macron a évoqué cette inquiétude : « Si le Rassemblement National venait aux responsabilités, que deviendraient vos prêts immobiliers ? Ils vont flamber, parce que les taux vont flamber. » Cette déclaration souligne le lien direct entre les taux d'intérêt et la stabilité politique d’un État, laissant entrevoir des conséquences économiques potentiellement lourdes. Ces Obligations Assimilables du Trésor (OAT) sont un support clé de l'endettement à moyen et long terme de l’État. « Les OAT sont des titres assimilables, chaque nouvelle tranche émise étant rattachée à une tranche antérieure ayant les mêmes caractéristiques », expliquent les auteurs du manuel Memento Patrimoine. Ils précisent que ces titres sont émis pour des durées comprises entre 2 et 50 ans. Pour permettre aux investisseurs de trouver en permanence une contrepartie à l’achat comme à la vente, ce marché est animé par les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT). Depuis de nombreuses années, ces derniers se sont engagés à afficher des fourchettes de prix en continu et à se porter contrepartie pour les ordres inférieurs à 500 000 euros qui n’auraient pas trouvé preneur. À titre d’exemple, les auteurs du Memento Immobilier écrivent qu’une OAT à taux fixe émise à 2,25 % d’échéance le 25 octobre 2022 serait remboursée à sa valeur nominale de 1 000 euros par titre à l’échéance. « Chaque année, l’investisseur perçoit 2,25 % d’intérêts versés tous les 25 octobre jusqu’à l’échéance. Pour une OAT offerte à la vente à 107,48 % et affichant un coupon couru de 1,556 %, dans le cas d’un ordre d’achat portant sur 1 000 titres, le prix d’achat est de 1 090,36 euros [1 000 × (107,48 % + 1,556 %)], » précisent les auteurs du manuel.

Les particuliers

Chaque année en France, un volume d’OAT est réservé aux particuliers. Ce montant fait l’objet d’une prise ferme par les principaux réseaux bancaires, les caisses d’épargne et le réseau du Trésor public. Ainsi, une hausse du taux des OAT, qui se produirait si le Rassemblement National gagnait les prochaines législatives, se traduirait rapidement par une augmentation des taux des prêts immobiliers. Pour les emprunteurs, cela signifie des mensualités plus élevées et une capacité d’emprunt réduite, notamment pour les OAT émis à dix ans. « On considérait traditionnellement que le taux de crédit à dix ans devait se situer à 100 points au-dessus de l’OAT pour que les banques puissent prêter avec une marge suffisante, » précisait ce matin Cécile Roquelaure dans les colonnes du Monde. Cette hausse brutale des taux d’OAT à dix ans, qui passeraient de 2,99 % en moyenne en mai à environ 3,25 % actuellement, aurait ainsi des répercussions immédiates. En clair, ceux qui empruntent sur cette période pourraient théoriquement payer 4,25 % contre 3,60 % actuellement.

« On considérait traditionnellement que le taux de crédit à dix ans devait se situer à 100 points au-dessus de l’OAT pour que les banques puissent prêter avec une marge suffisante, »

S’adapter à l’inflation

Heureusement en France, les OAT indexées sur l’inflation protègent les emprunteurs les plus précaires, car le montant à rembourser est toujours ajusté. « L’État émet régulièrement des OAT indexées sur l’indice français des prix à la consommation (hors tabac) et sur l’indice harmonisé des prix de la zone euro (hors tabac), pour protéger leurs porteurs des effets de l’inflation, » expliquent les auteurs du *Memento Patrimoine*. Ce mécanisme peut parfois conduire l’émetteur à rembourser un montant inférieur à la valeur nominale de l’obligation, en fonction de l'évolution de l'indice de référence. À titre d’exemple, les auteurs du manuel écrivent qu’un investisseur qui a acheté 10 000 OAT indexées sur l’inflation pourrait recevoir un coupon calculé de la manière suivante : « 10 000 × 2,10 % × 1,10984 = 233,073 euros », en supposant un coefficient d'indexation de 1,10984. Si cet investisseur revend ses OAT avant l'échéance, il les cédera au prix du marché, réalisant potentiellement une plus-value ou une moins-value en fonction de l'évolution des taux d'intérêt. De plus, ils écrivent que les obligations à durée indéterminée offrent d'autres caractéristiques intéressantes. « Les obligations à fenêtres, amortissables à longue échéance, peuvent, pendant certaines périodes (les fenêtres), être remboursées par anticipation sur demande soit de la société, soit de l’obligataire, » détaillent les auteurs. Ces remboursements anticipés sont souvent assortis de pénalités, fixées dans le contrat d'émission. Ainsi, la dissolution de l’Assemblée nationale crée un climat d'incertitude politique nocif pour l’économie française. Elle impacte directement les conditions de vie des citoyens, notamment à travers l'évolution des taux des crédits immobiliers.

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