Le Nouveau Front Populaire, héritier des travaux Thomas Piketty ?

Le Nouveau Front Populaire, héritier des travaux Thomas Piketty ?

Les propositions économiques du Nouveau Front Populaire (NFP) s'inscrivent dans un débat crucial pour l'avenir économique de la France. Le programme, détaillé par Éric Coquerel, prévoit un investissement massif dans divers secteurs, avec un coût estimé à 100 milliards d'euros pour 2025 et atteignant 150 milliards d'euros en 2026. Pour financer ces dépenses, le NFP propose des solutions données par l’économiste Thomas Piketty.

Oscar Tessonneau

Un nouveau capital

L'entreprise de Thomas Piketty de rédiger un Capital au XXIe siècle en 950 pages se distingue par son originalité. Comme l’écrit l’économiste Émile Jalley dans son livre Thomas Piketty : Marx du 21e siècle ?, l’économiste star propose des nouveautés absolument inédites qui ne contredisent pas les termes marxistes traditionnels tels l’aliénation ou la lutte des classes. Piketty avance que "le capital, une fois constitué, se reproduit tout seul, plus vite que ne s'accroît la production." Cette intuition, que Marx avait bien pressentie, constitue l'originalité absolue de Piketty, notamment à travers la formule r > g (taux de rendement du capital supérieur au taux de croissance économique).

Effectivement, ce que Marx appelle la plus-value se retrouve dans les concepts de Piketty comme le taux de rendement du stock de capital d’une grande fortune ou d’une entreprise (r) et la part du capital dans le revenu national crée par les entreprises d’un état (α). Dans son best-seller, Le Capital au XXIe siècle, Piketty écrit que l’écart entre r et g ne se met pas en mouvement mécaniquement, mais grâce à la force de travail achetée par le capital, générant un surproduit une fois payé son coût de reproduction que souhaitent modifier les cadres du Nouveau Front Populaire (NFP). 

Selon les journalistes du Monde, l’union des gauches propose de rétablir un ISF renforcé et de supprimer la « flat tax ». Comme nous le rappelions la semaine dernière, en une de Rightbrain, Emmanuel Macron a introduit une flat tax sur tous les produits de l’épargne, y compris l’assurance-vie. "Ce prélèvement ne concerne que les nouveaux versements effectués sur des contrats dont l’encours est supérieur à un plafond", déclarait Macron en 2017, précisant que ce plafond pourrait s’élever à 150 000 euros par personne, soit le plafond des plans d’épargne en actions (PEA).

En pratique

Depuis plusieurs semaines, des économistes libéraux comme Nicolas Bouzou, ou même Bruno Le Maire, expliquent qu’un nouvel ISF ou une réforme de l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif pénaliserait un système économique français, plus favorable aux rentiers sur lesquels Piketty a beaucoup écrit.

Dans son livre intitulé Pour une révolution fiscale (2011), Piketty et ses co-auteurs expliquent que la moitié de la population, les "pauvres", ne possèdent pratiquement rien (5 % du patrimoine) et n'ont que leur travail à vendre pour vivre. C'est ce travail qui met en mouvement le capital accumulé, représentant 600 % du revenu national détourné de la consommation directe. Néanmoins, nous n’avons aucune preuve concrète que le programme économique pikettyste du Nouveau Front Populaire ( NFP) basé sur une économie où le capital financier, issu du capital industriel, s'alimente avec plus de répondant en valeur d'usage utile fonctionnera. Ainsi, le revenu national, créée à partir des ressources produites par des dizaines d’acteurs comme les usagers d’Esat touchant l’AAH ou les serveurs autistes des cafés joyeux, n'augmentera peut-être pas assez si La Nupes remporte les législatives. En effet, il est possible que le coût de la vie augmente si le smic passe à 1600 euros. 

À ce sujet, Émilie Jalley écrit dans son livre consacré à Marx et Piketty : « Un test de l’influence réelle des travaux de Piketty sera de voir s’il y a des réactions dans les actes à la transformation de ce pays en une pure et simple ploutocratie, ou si on se contentera de discuter sans fin de cette situation, en laissant la société ressembler de plus en plus à Versailles… avec des costumes plus simples. »

Marxisme de sous-préfecture

Dans son best-seller Le Capital au XXIe siècle, Thomas Piketty, à partir d’une étude soigneusement chiffrée, porte donc un rude coup à la théorie libérale du « ruissellement », que les économistes anglo-saxons critiquent de plus en plus. En effet, admettre que Karl Marx avait raison sur l’aspect quantitatif de l’accumulation du capital consisterait à remettre en question de nombreuses réformes entreprises par l’ensemble des présidents de la cinquième république, depuis la réforme de l’IGF, mise en place par Pierre Mauroy en 1981.

« Un marxisme de sous-préfecture », a balayé un peu vite l’avocat et essayiste libéral Nicolas Baverez au sujet du livre. « Une justification du système », a rétorqué la gauche bourdieusienne qui reproche à Piketty l’abandon de la lutte des classes. Néanmoins, Jalley écrit que Piketty est toujours resté confiant. Il aurait dit à plusieurs reprises que le public ne restera pas toujours passif face à cette situation d’avalanche. En 2024, la question ne se pose plus vraiment, puisqu’il a fortement contribué à la rédaction du programme économique du Nouveau Front Populaire avec sa femme Julia Cagé. Depuis plusieurs années, cette dernière, également économiste, demande aussi la mise en place de changements concrets dans la lutte contre les inégalités économiques croissantes, dans une société où les personnes en situation de handicap mental sont au plus bas de toutes les chaînes de valeur, et n’ont que leur force de travail pour survivre.

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