La maison d'édition kilema développe le falc

La maison d'édition kilema développe le falc

Fondée par l'entrepreneur Philippe Le Squeren et sa femme Cécile Arnoult, la maison d'édition Kilema o􀆞frent des traductions de classiques en français facile à lire ( FALC)

Oscar Tessonneau

Nous: Comment avez-vous structuré votre transition vers une initiative philanthropique comme KILÉMA ? Quels ont été les principaux défis rencontrés dans cette transition ?

Philippe Le Squéren : Notre dernière fille a 18 ans et est porteuse d’une trisomie 21.

Face à l’absence d’offre culturelle, en particulier littéraire, nous avons décidé, il y a deux ans, d’agir. Cécile est traductrice, je suis ingénieur et chef d’entreprise. Après la cession d’une entreprise d’ingénierie, nous avons décidé de créer un projet philanthropique pour la culture et le handicap intellectuel. Kiléma Éditions est né avec la mission de traduire les oeuvres littéraires de la culture commune en Falc (Facile à Lire et à Comprendre).

Nous allons maintenant compléter cette mission par la diffusion, la formation et le partage dans des tiers-lieux Kiléma. Kiléma Tiers-lieux ce sont des librairies, des espaces de travail, de formations et de restauration au coeur des centres urbains. Ce vaste projet est un véritable défis pour nous et une innovation majeure pour la société. Par exemple, pour la maison d’édition Kiléma, nous avons découvert le monde de l’édition et ses codes, nous avons dû embaucher et accompagner des personnes en situation de handicap, comprendre le financement du livre en France, adapter les principes de la « norme » Falc au milieu littéraire.

Des défis tout aussi nouveaux se sont présentés pour le projet de Tiers-lieux Kiléma : découverte des circuits de financements privés et publics, organisation de plaidoyers auprès des pouvoirs publics, prise en compte des changements fréquents des interlocuteurs politiques, montage de structures innovantes hybrides commerciales, associatives et collectrices, évaluer les risques juridiques associés à la création de structures hybrides.

J’échangeais récemment avec Emmanuel Faber qui ne se considère pas comme un philanthrope car « être philanthrope c’est un métier ». Pour ma part, je ne sais si c’est un métier, mais nous découvrons que c’est un travail de longue haleine et très souvent solitaire. Nous sommes seuls pour décider, financer et innover.

Pouvez-vous détailler le processus de sélection des projets associatifs soutenus par le fonds de dotation KILÉMA ?

Philippe Le Squéren : Nous avons fait le choix de créer avec nos fonds familiaux, une structure à la fois collectrice et opératrice de projet, qui est le Fonds de dotation Kiléma. Pour l’instant cette structure ne redistribue pas. Nous nous concentrons en effet sur la maison d’édition et le tiers-lieu qui sont nos projets phares et nous demandent déjà un investissement humain et financier conséquent. À terme, un comité stratégique indépendant fera le choix des projets soutenus, en particulier au sein des Tiers-lieux Kiléma Il est important de permettre l’émergence de projets innovants et de faire confiance à l’intelligence collective.

Comment gérez-vous les collaborations avec les différents acteurs privés et publics pour maximiser l'impact de vos actions philanthropiques ?

PLS: Il est important de se rapprocher des acteurs existants du handicap. Beaucoup d’initiatives ont vu le jour depuis longtemps. Je crois beaucoup au travail en équipe. Nous devons être des agrégateurs et des passeurs. Nous ne nous considérons pas comme des inventeurs. Je crois beaucoup en la relation humaine. La rencontre avec les porteurs de projets et les partenaires est essentielle pour envisager un travail commun. L’impact est de fait plus important et permet une visibilité plus grande pour les publics fragiles et dépendants

Quels indicateurs utilisez-vous pour évaluer l'efficacité et l'impact des initiatives soutenues par Kilema, notamment en ce qui concerne l'accessibilité culturelle pour les personnes en situation de handicap grâce aux livres adaptés ?

P. L. S. : Pour la maison d’édition il y a la mesure quantitative et la mesure qualitative. Le nombre de livres diffusés et vendus est un bon indicateur de notre impact évidemment. Nous sommes déjà présents dans près de 200 bibliothèques/médiathèques. Mais plus encore, les commentaires des accompagnants et des personnes avec des besoins particulies sont majeurs. Beaucoup sont éloignés de la lecture. Lorsque des parents nous remercient d’avoir ramené leurs enfants à la lecture, c’est le graal. Pour le premier tiers-lieu à Paris, nous estimons à environ 10 000 le nombre de parisiens éloignés de la culture littéraire ainsi, que leurs accompagnants, qui pourront enfin trouver au sein du lieu des livres adaptés, des conseils, un centre de ressources, une veille sur les innovations touchant le handicap intellectuel

Quel est le coût du processus créatif et technique derrière la traduction et l'édition des ouvrages chez KILÉMA Éditions, en particulier pour s'assurer qu'ils restent fidèles aux oeuvres originales tout en étant accessibles ?

Cécile Arnoult : La qualité de la traduction est essentielle. Nous ne voulons pas adapter des oeuvres mais les mettre à la portée des exclus de la culture. Comme dans toute traduction, garder l’essence du texte est essentiel. Les droits d’auteur, la traduction, la relecture, la validation par des personnes en situation de handicap, la mise en page, les illustrations et l’impression représentent un investissement d’environ 20 000 euros HT pour chaque livre tiré entre 2 000 et 3 000 exemplaires. Et ce n’est que le coût de revient. Nous devons encore générer des bénéfices si nous voulons poursuivre notre mission. Ces coûts conduisent à un prix du livre malheureusement encore difficile d’accès pour certains. D’autant que nous ne recevons aucune aide car nous ne rentrons pas dans les cases des pouvoirs publics (par exemple du CNL).

Comment le tiers-lieu prévu à Paris intègrera-t-il les technologies et les approches innovantes pour favoriser l'inclusion et l'accessibilité culturelle pour tous ?

P. L. S. : Ce lieu est avant tout un lieu innovant. Toutes les technologies de l’innovation seront accueillies. Les partenariats avec les universités seront créés et développés. Nous devons toujours penser au service rendu aux personnes cibles.

Face à l'ampleur de la tâche de rendre la culture accessible à tous, quelles sont les prochaines étapes stratégiques pour Kiléma ?

P. L. S. : Nous voulons traduire et diffuser toujour s plus de livres : nous avons besoin d’aides financières et d’investissements des pouvoirs publics dans la diffusion. Pour information, en Suède c’est l’État qui prend en charge ce travail. Nous voulons également aller au bout de notre démarche d’inclusion en développant l’inclusion en milieu ordinaire. Nous allons donc développer la formation, proposer de l’emploi grâce à cette diffusion culturelle.

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