Energie : Le mélange tempéré d’Emmanuel Macron

Energie : Le mélange tempéré d’Emmanuel Macron

En déplacement à Fécamp et Flamanville, le président français se rendra demain et jeudi dans un parc éolien en mer, et près d’un EPR pour évoquer le nouveau mix énergétique qu’adoptera La France lors des prochaines années.

Oscar Tessonneau

L’avenir des EPR

Jeudi, le président de la République se rendra à Flamanville. Nichée au cœur de la Manche, la ville a connu sa mutation lorsqu’un projet de centrale nucléaire a vu le jour. Dans son ouvrage "France Grise France Verte", l’historien du climat Alexis Grignon écrit : "Flamanville présente un cas de figure différent dans la mesure où la perspective de la construction de la centrale suscite un vif clivage au sein même de la population."  Il précise que l'opposition, menée par le CCPAH (Comité contre la pollution atomique dans La Hague) et le CRILAN (Comité régional d'information et de lutte antinucléaire), animée par le futur cadre d’Europe Écologie Les Verts, Didier Anger, montre la résistance significative des habitants de Flamanville contre la centrale.  "Il n’est donc pas surprenant que la contestation locale soit menée avant tout par les professions intellectuelles — Didier Anger enseigne au collège — et des agriculteurs, alors que les populations ouvrières ont davantage tendance à être favorables au projet," écrit Grignon. Cette contestation, durant depuis plusieurs décennies, n’empêche pas le gouvernement français d’investir dans les EPR.  "Nous prévoyons un investissement initial de 450 millions d'euros, une somme qui témoigne de notre engagement à maintenir les standards les plus élevés en matière de sécurité nucléaire," explique un conseiller économique d'Emmanuel Macron, sans réellement répondre à cette question : À quoi correspondent ces réacteurs pressurisés européens produisant de l’électricité, que l’on appelle plus couramment EPR ?  "Les EPR, comme celui de Flamanville, ont une capacité de 1 650 MW chacun, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux réacteurs plus anciens. Avec le plan France 2030, l'objectif est d'atteindre 40 GW de capacités nucléaires en 2050, comprenant la construction de 14 EPR2 et 5 SMR. Les premiers EPR2 seront opérationnels dès 2035," écrit Pierrick Dartois, co-auteur du livre 'Couvrir nos besoins énergétiques : 2050 se prépare aujourd'hui'.

Un mix original

Le déplacement du président à Flamanville sera également une mise en lumière des dernières avancées législatives.  "Le projet de loi récemment adopté permet une prolongation de la durée de vie des centrales existantes, ce qui est crucial pour notre transition énergétique," indique un conseiller économique d’Emmanuel Macron, convaincu que le nucléaire reste une énergie ayant un bel avenir devant elle. Ses propos vont dans le même sens que ceux de Pierrick Dartois. Il écrit :  "Nous prenons pour référence les deux scénarios principaux conformes aux annonces du discours de Belfort. Le scénario Nucléaire + postule une forte relance du nucléaire [...]. Il permettra de maintenir 40 GW de capacités nucléaires en 2050, dont 25 GW de nouvelles capacités, avec 14 EPR2 de 1 670 MW et 5 petits réacteurs modulaires, dits SMR, de technologie Nuward d'une puissance de 340 MW."  Par ailleurs, Dartois précise ce qu’il se passera dans le pire des cas :  "Dans le scénario Nucléaire −, plus modéré, nous envisageons seulement 6 EPR2 d'ici 2050, représentant 10 GW. Ce scénario prévoit une première livraison de réacteurs en 2037-2038, avec une paire de réacteurs livrée tous les cinq ans jusqu'en 2060 pour atteindre une capacité de 16,7 GW."  Enfin, Dartois écrit que " pour les scénarios alternatifs, le scénario Sans EPR, qui envisage une sortie complète du nucléaire d'ici 2060, et le scénario 'Nucléaire ++' qui envisage une extension jusqu’à 70 ans pour les réacteurs existants, démontrent la variabilité et l'adaptabilité de notre planification énergétique."

"Dans le scénario Nucléaire +, envisagé par l'administration actuelle, la capacité nucléaire pourrait au mieux couvrir 35,5 % des besoins en 2050. Si nous passons à Nucléaire ++, nous pourrions atteindre jusqu'à 58 % de couverture »

Présentés à l’horizon 2050, les scénarios 'Nucléaire +' et 'Nucléaire ++' restent au cœur des débats, ces modèles devant significativement augmenter la part du nucléaire dans le mix énergétique national. Cependant, même avec ces initiatives ambitieuses, les ingénieurs nucléaires français sont conscients que le nucléaire ne pourra pas être la seule source d'énergie dans le mix énergétique français.  "Dans le scénario Nucléaire +, envisagé par l'administration actuelle, la capacité nucléaire pourrait au mieux couvrir 35,5 % des besoins en 2050. Si nous passons à Nucléaire ++, nous pourrions atteindre jusqu'à 58 % de couverture," écrit Suderie. Elle souligne ainsi la nécessité impérative d'intégrer massivement les énergies renouvelables pour compléter le déficit. Parmi ces énergies, elle cite l'éolien et le solaire. Néanmoins, les difficultés d'acceptation de l'éolien terrestre et la mobilisation massive du député Rassemblement National Jean-Philippe Tanguy contre le développement des éoliennes, poussant comme des champignons dans certains villages français, ont poussé les planificateurs à réévaluer et reporter les objectifs de développement.  "Le doublement de la capacité éolienne terrestre prévue initialement pour la fin de cette décennie est désormais visé pour 2050, limitant l'expansion à seulement 37 GW," précise Suderie, tout en indiquant que les grandes centrales nucléaires ont environ 1 à 2 GigaWatts (GW) de capacités. Cependant, l'éolien en mer, qu’Emmanuel Macron présentera au parc éolien de Fécamp demain, semble offrir une avenue plus favorable, avec des objectifs bien plus ambitieux.  "Pour l'éolien en mer, nous visons 40 GW grâce à la construction de cinquante parcs éoliens," déclare Suderie, mettant en avant une stratégie qui compense partiellement les restrictions terrestres. Enfin, Suderie écrit que ce sont les énergies solaires qui devraient prendre le plus de place dans le mix énergétique français.  "L'ambition pour le solaire est de décupler la capacité installée pour surpasser les 100 GW en 2050," ajoute-t-elle. Ce développement massif du solaire est vu comme essentiel pour sécuriser l'avenir énergétique de la France, surtout face aux projections de déficit.

 

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