Assurance-vie : l’atout des Ă©pargnants ou le jouet des grandes fortunes ?

Assurance-vie : l’atout des Ă©pargnants ou le jouet des grandes fortunes ?

L'immeuble de l'assurance-vie du fabricant, rue Bloor, Toronto, Canada

VĂ©ritable couteau suisse de l’épargne, l’assurance-vie sĂ©duit autant les petits investisseurs que les grandes fortunes. Mais sa flexibilitĂ© et sa sĂ©curitĂ© valent-elles toujours face Ă  des frais souvent dissuasifs ?

Oscar Tessonneau

DerriĂšre la façade sĂ©duisante de l’assurance-vie se cache une rĂ©alitĂ© bien plus complexe, parfois cruelle pour les Ă©pargnants. L’essayiste FrĂ©dĂ©ric Giquel, dans son livre Assurance-vie : le meilleur placement pour tous, met en lumiĂšre les subtilitĂ©s de ce produit souvent mal compris. « La dĂ©tention d’une assurance-vie devient optimale huit ans aprĂšs sa souscription, moment oĂč les avantages fiscaux commencent rĂ©ellement Ă  s’appliquer, » Ă©crit-il. Ainsi, cette durĂ©e ne garantit pas une rentabilitĂ© suffisante pour compenser les frais souvent importants. Laurence David, dans Le Monde du 2 janvier, souligne Ă©galement l'impact de ces frais sur la rentabilitĂ© d’une assurance-vie. « Les versements des Ă©pargnants sont ponctionnĂ©s de multiples commissions, des frais de gestion aux rĂ©munĂ©rations des distributeurs, rendant le produit lourd Ă  porter, » rapporte-t-elle. Cette mĂ©canique pĂšse sur les rendements et oblige les souscripteurs Ă  patienter des annĂ©es avant d’espĂ©rer en tirer un vĂ©ritable bĂ©nĂ©fice. NĂ©anmoins, et fort heureusement, cet argent n'est pas bloquĂ©. FrĂ©dĂ©ric Giquel, dans Assurance-vie : le meilleur placement pour tous, dĂ©molit une croyance tenace.

Contrairement aux rumeurs, le capital est rĂ©cupĂ©rable Ă  tout moment, et ce sans plafond pour les versements. Contrairement au livret A (22 950 €) ou au PEA (150 000 €), les montants placĂ©s en assurance-vie sont illimitĂ©s. « Des contrats Ă  plusieurs millions d’euros circulent sur le marchĂ©, » souligne Giquel. Cette caractĂ©ristique, combinĂ©e Ă  la possibilitĂ© de dĂ©tenir un nombre illimitĂ© de contrats, sĂ©duit particuliĂšrement les investisseurs fortunĂ©s, qui peuvent diversifier leurs placements en rĂ©partissant leurs fonds entre plusieurs assureurs. Cependant, cette libertĂ© a un revers : l’impossibilitĂ© de transfĂ©rer un contrat d’un assureur Ă  un autre. Laurence David, dans Le Monde, critique cette rigiditĂ© : « Contrairement aux autres produits d’épargne, les Ă©pargnants ne peuvent pas arbitrer librement entre les offres, ce qui limite leur capacitĂ© Ă  bĂ©nĂ©ficier de meilleures conditions. » Ces difficultĂ©s Ă  arbitrer entre les offres sont Ă©galement liĂ©es aux coĂ»ts prohibitifs des investissements. Les frais d’entrĂ©e oscillent entre 1 % et 5 %, selon les contrats, tandis que les frais de gestion s’élĂšvent gĂ©nĂ©ralement Ă  0,6 % Ă  1 % du capital investi chaque annĂ©e.

« Le distributeur n’est pas l’assureur, et cette distinction est essentielle pour l’épargnant. »

Les unitĂ©s de compte (UC), qui constituent des placements plus risquĂ©s mais potentiellement plus rĂ©munĂ©rateurs, voient leurs frais atteindre parfois 3 % par an. David prĂ©cise : « Ces frais grĂšvent significativement la rentabilitĂ© nette, particuliĂšrement dans un contexte de baisse des rendements des fonds en euros, qui stagnent autour de 1,3 % en moyenne en 2023. » MalgrĂ© ces chiffres, l’assurance-vie reste un produit incontournable. « Tout le monde vend de l’assurance-vie », Ă©crit Giquel, insistant sur la diversitĂ© des distributeurs : banques, mutuelles, conseillers en gestion de patrimoine, ou encore grandes surfaces et sites de courtage en ligne. Cependant, Giquel avertit ses lecteurs sur la complexitĂ© de ce systĂšme d’enrichissement personnel : « Le distributeur n’est pas l’assureur, et cette distinction est essentielle pour l’épargnant. » Bien qu’il soit complexe Ă  comprendre, ce modĂšle d’enrichissement reste apprĂ©ciĂ© par les Français. En 2022, prĂšs de 1 900 milliards d’euros Ă©taient investis dans des contrats en France, reprĂ©sentant plus de 40 % de l’épargne financiĂšre des mĂ©nages. Mais, comme le rappelle Giquel, « pour en maximiser les bĂ©nĂ©fices, il est essentiel de comparer les offres, d’analyser les frais et d’adopter une gestion rigoureuse. »

Un dĂ©fi que tous les Ă©pargnants ne sont pas prĂȘts Ă  relever. Les assurances-vie multisupport, qui combinent actions, obligations et parfois immobilier, ajoutent un degrĂ© de complexitĂ© supplĂ©mentaire. David rapporte que l’AutoritĂ© de contrĂŽle prudentiel et de rĂ©solution (ACPR) a poussĂ© les assureurs Ă  retirer les unitĂ©s de compte les moins performantes en 2023. Toutefois, elle note que « ce nettoyage reste insuffisant face Ă  un Ă©cosystĂšme encore marquĂ© par des coĂ»ts Ă©levĂ©s et une opacitĂ© des produits. » Cette complexitĂ© est exacerbĂ©e par une concurrence accrue. Giquel rapporte qu’en 2016, prĂšs de 100 entreprises d’assurance-vie opĂ©raient en France, chacune avec ses spĂ©cificitĂ©s. Ce marchĂ© Ă©clatĂ©, bien qu’offrant une diversitĂ© de produits, contribue Ă  l’opacitĂ© et rend les comparaisons difficiles pour les Ă©pargnants. David, cependant, met en garde contre cet argument, souvent utilisĂ© comme un levier commercial par les distributeurs : « Ces promesses fiscales masquent des frais parfois prohibitifs, grevant les avantages annoncĂ©s. » Ces frais pĂ©nalisent souvent les petits Ă©pargnants. 

« Le distributeur n’est pas l’assureur, et cette distinction est essentielle pour l’épargnant. »

« Vérifiez toujours si vous avez opté pour un contrat à versements et retraits libres. »

Pour les petits Ă©pargnants, l’assurance-vie offre un cadre flexible, notamment grĂące aux versements rĂ©guliers. « Sur un horizon de dix Ă  quinze ans, ces versements permettent de se constituer un pĂ©cule substantiel, librement mobilisable pour des besoins divers », explique Giquel. Un coup dur, un projet immobilier, ou mĂȘme l’épargne pour les gĂ©nĂ©rations futures : les usages sont multiples. Cependant, il met en garde contre des contraintes cachĂ©es dans certains contrats. « VĂ©rifiez toujours si vous avez optĂ© pour un contrat Ă  versements et retraits libres, » conseille-t-il. Pour les grandes fortunes, l’assurance-vie joue un rĂŽle diffĂ©rent, devenant un outil d’optimisation patrimoniale. Giquel dĂ©crit comment ce placement est privilĂ©giĂ© pour « recueillir des montants consĂ©quents, qu’il s’agisse de donations, d’indemnitĂ©s de licenciement ou de la vente d’une entreprise. » Avec des arguments solides : l’absence de plafond pour les montants investis, une fiscalitĂ© avantageuse sur la durĂ©e, et surtout une insaisissabilitĂ© face aux crĂ©anciers.

Il souligne que « les frais sur versements, souvent un obstacle pour les petits investisseurs, sont nĂ©gociables, voire annulĂ©s pour des capitaux importants. » Laurence David, dans Le Monde du 2 janvier, pointe nĂ©anmoins une rĂ©alitĂ© plus sombre. « La rentabilitĂ© des fonds en euros, bien qu’encore correcte, est en baisse depuis plusieurs annĂ©es, » Ă©crit-elle, en prĂ©cisant que cette Ă©rosion rend les contrats moins attractifs pour les Ă©pargnants modestes. Les grandes fortunes, quant Ă  elles, continuent de bĂ©nĂ©ficier de la flexibilitĂ© et des avantages fiscaux de l’assurance-vie, creusant davantage les inĂ©galitĂ©s entre investisseurs. Finalement, l’assurance-vie, malgrĂ© ses nombreux atouts, reste un produit Ă  double tranchant. Si elle permet une grande souplesse et une sĂ©curitĂ© relative, elle exige une vigilance accrue de la part des souscripteurs, qu’ils soient petits Ă©pargnants ou dĂ©tenteurs de gros capitaux. Entre ses promesses de rentabilitĂ© et ses frais dissimulĂ©s, ce placement, comme le rappelle Giquel, « n’est pas un produit miracle, mais un outil parmi d’autres, nĂ©cessitant une gestion rigoureuse et Ă©clairĂ©e. »

 

© 2024 - Analyse par Oscar Tessonneau

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