A Paris, les usagers des Esat travaillent pour gagner toujours moins

A Paris, les usagers des Esat travaillent pour gagner toujours moins

Graphique répartissant les types de services proposés dans Les Esat à Paris selon l réseau Gesat

Paris est une ville où la vie est chère. Lorsqu'ils sont en situation de handicap, les habitants ont beaucoup de frais. Or, nous sommes aujourd'hui en mesure de démontrer que dans les ESAT de la capitale, leurs salaires ne leur permettent pas de vivre dignement.

Oscar Tessonneau

« Un ESAT se fixe comme objectif de favoriser l’autonomie dans les transports des personnes handicapées en mettant en place des actions de soutien diversifiées dans un temps donné ».

Tout le monde est conscient que les ESAT jouent un rôle essentiel dans l'insertion sociale et professionnelle des Parisiens en situation de handicap. Cependant, nous n’avons aucun indicateur évaluant la rémunération de ces usagers dans une ville où le coût de la vie est très élevé. Comme l’écrit Jean-Pierre Hardy, dans un ouvrage consacré aux financement des structures médico-sociales, l'absence de critères clairs et uniformes pour mesurer la rémunération dans les ESAT complique la tâche  des autorités de contrôle, puisqu'elles n'évaluent pas la rémunération des usagers, mais des indicateurs d'insertion, comme sa capacité à se déplacer seul. " L’indicateur de résultat pourrait être le nombre de personnes ayant acquis cette autonomie par rapport au nombre de personnes auxquelles l’action était destinée et la nature de l’autonomie : autonomie complète, autonomie partielle (domicile-ESAT). » écrit Izard. Ces indicateurs, bien que précis, n’abordent pas du tout le salaire que l’usager d’ESAT gagnera en effectuant les tâches qui lui sont demandées. Quelles sont ces tâches ? À partir de statistiques obtenues en évaluant les types de services proposés sur le site Réseau Gesat, on constate que plus de la moitié des services demandent peu de qualification. Or, la législation actuelle, notamment la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, impose aux ESAT de garantir une rémunération équitable à leurs travailleurs. Cependant, Hardy souligne que « les résultats obtenus à la suite de cette activité, en termes d’effets que l’on cherche à atteindre à travers la fixation d’objectifs ponctuels ou d’actions particulières auxquelles une priorité d’établissement est assignée » ne sont pas toujours clairement définis ou mesurés.

Des financements occultes

Un autre aspect critique est le financement des ESAT. Il dépend en grande partie de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie et de l'Agence Régionale de Santé (ARS). Ainsi, bien que les ESAT comme l’Agence Atypic, fournissent des prestations pour des entreprises privées comme Publicis, grâce à un partenariat signé avec la mission handicap de l’agence de communication. Néanmoins, le modèle économique des ESAT repose sur des subventions publiques, finançant des entreprises pour des entreprises privées cherchant toujours une main d’œuvre à bas coût. « Les coûts par fonctions ou missions permettent d’apprécier en partie l’efficience de la structure par rapport aux autres qui lui sont comparables », souligne Hardy, mais il reste difficile d'évaluer l'impact de ces coûts sur la rémunération directe des travailleurs. En effet, l’article L. 344-2 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) énonce que les travailleurs des ESAT doivent percevoir une rémunération garantie, complétée par une aide au poste versée par l'État. Cependant, des sources démontrent que dans de nombreux ESAT parisiens, régulièrement invités dans des structures publiques comme La Maison De L’Autisme dirigée par la psychologue Marie Schuster, le salaire est un indicateur enfoui parmi d’autres indicateurs sociaux, comme la capacité d'un usager à se déplacer seul dans Paris. On peut donc se demander quel est le coût financier de ces projets d’insertion professionnelle ayant souvent un trouble du neurodéveloppement. Selon Jean-Pierre Hardy, il semble faible, très faible. Les salaires auraient en effet beaucoup moins d’importance que les actions menées pour favoriser l’insertion socio-professionnelle à moindre coût des usagers. Or, la législation actuelle, notamment la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, impose aux ESAT de garantir une rémunération équitable à leurs travailleurs. « Les résultats obtenus à la suite de cette activité, en termes d’effets que l’on cherche à atteindre à travers la fixation d’objectifs ponctuels ou d’actions particulières auxquelles une priorité d’établissement est assignée, doivent être mesurés. » écrit Hardy. Néanmoins, Paris reste une ville où, encore une fois, les critères pour évaluer la rémunération des usagers sont moins mis en avant que d’autres indicateurs comme le taux d'abandon de la mission confiée aux travailleurs.

Travailler pour une misère

En France, le Code du travail énonce que les indicateurs de suivi de l'activité économique d'un ESAT incluent le suivi des rémunérations dégagées par la production. « L’indicateur qui semble le plus intéressant est la valeur ajoutée qui indique bien la richesse dégagée par la production pour couvrir les rémunérations et les frais de renouvellement de l’infrastructure (amortissement et provisions). » écrit Hardy. Cette valeur ajoutée se calcule en additionnant la production vendue, la production stockée et la production immobilisée, puis en soustrayant les consommations externes (matières et services). Or, afin que ces structures de réinsertion ne deviennent pas une main d’œuvre à bas coût pour des entreprises souhaitant réduire leurs charges, Hardy précise que le suivi des rémunérations versées aux personnes handicapées ne doit pas être évalué selon leurs performances, mais selon le coût de la vie dans des métropoles comme Paris. En effet, il semble compliqué d’intégrer dans une logique de profit ordinaire une personne ayant des troubles schizophréniques ou autistiques. « Il faut distinguer très nettement la garantie de ressources de la rémunération versée directement par l’ESAT sur les recettes de la production. » écrit Izard. Il précise que cette distinction permet de mieux comprendre les sources de financement et de rémunération, et d'évaluer l'impact direct des activités de l'ESAT sur les travailleurs. Un décret budgétaire, comptable et financier n° 2003-1010 du 22 octobre 2003, complété par les décrets du 7 avril 2006, codifié dans le CASF aux articles R. 314-1 à R. 314-207, représente justement une tentative de trouver un équilibre entre une logique économique libérale et une tarification administrée et bureaucratique. « La tarification n’est toujours pas liée à l’exigence de résultats puisque l’évaluation est encore très peu développée et l’allocation de ressources n’est pas subordonnée à une quelconque efficacité ou efficience. » Ce manque de lien entre les ressources allouées et les résultats obtenus souligne l'importance de développer des indicateurs de rémunération plus robustes, afin qu’à Paris, les usagers de ces structures aient une rémunération digne.

Des tarifs qui défient toute concurrence

A Paris comme dans d’autres villes, le décret budgétaire, comptable et financier [n° 2003-1010 du 22 octobre 2003] , complété par les décrets du 7 avril 2006, codifié dans le CASF aux articles R. 314-1 à R. 314-207, organise sur la base d’indicateurs économiques et sociaux une convergence tarifaire régionale et/ou départementale sur l’ensemble des biens marchands produits par des ESAT, des opérations de nettoyage aux services administratifs en passant par les repas vendus dans des restaurants dont les Parisiens raffolent. En effet, qui ne rêverait pas de se faire servir une bonne entrecôte dans un ESAT comme l’espace Aurore, pratiquant des prix défiant toute concurrence au cœur des quartiers bobos du 13ème arrondissement ? Ainsi, comme l’indique Hardy, « Les autorités de tarification devaient donc avoir les outils pour la régulation financière du secteur. » La régulation tarifaire doit permettre des écarts raisonnables et raisonnés pour tenir compte des différentes conditions économiques et des populations accueillies. « Il doit donc rester des écarts raisonnables puisqu’il est impossible, dans ce secteur, aux établissements aussi divers de les ramener à un tarif unique. » Une convergence tarifaire trop rigide tuerait l’objectif même de la convergence tarifaire.

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