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Par Oscar Tessonneau - 20 février 2025

400 milliards consacrés annuellement retraites : un chiffre que des cotisants en situation de handicap souhaitent baisser

« 400 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’ensemble des dépenses de l’État, sont alloués aux retraites chaque année. » — Béatrice Mathieu, L’Express

 

Ce midi, le premier rapport de la « mission flash » sur la situation financière et les perspectives du système de retraites a été rendu public et remis à François Bayrou. Le poids budgétaire de nos retraites pèse sur une nouvelle génération de personnes en situation de handicap, qui doivent affronter la violence psychologique du monde du travail.

Une anomalie. Une exception française. Un gouffre financier. La retraite en France est tout cela à la fois. « 400 milliards d’euros, soit l’équivalent de l’ensemble des dépenses de l’État, sont alloués aux retraites chaque année », écrit Béatrice Mathieu dans L’Express du 20 février. La somme donne le vertige. Au fil des années, la France est devenue un pays où la dépense sociale écrase toute autre forme d’investissement. Cette somme représente « 13,4 % du PIB, un niveau presque deux fois plus élevé que la moyenne de l’OCDE », poursuit Béatrice Mathieu. En comparaison, l’Allemagne dépense trois points de moins, avec une démographie pourtant comparable. Alors pourquoi la France est-elle dans cette situation ? Le système de retraite français repose sur une architecture complexe, héritée des grandes conquêtes sociales du XXe siècle. « La multiplicité des régimes, la diversité et la complexité des règles qu’ils appliquent, encore accrues par la réforme de 2003, exigent un effort d’information important », écrivent Michel Borgetto et Robert Lafore dans leur livre Droit de la sécurité sociale. Ils rappellent que la France compte « environ 25 régimes de base » : « Le régime général sert environ 46 % des prestations, les régimes spéciaux 39 %, le régime agricole 9,5 %, les régimes des indépendants 4,5 % ». Le financement du système repose sur un niveau de prélèvements particulièrement élevé, sur des salaires que ne touchent pas encore beaucoup de personnes en situation de handicap, notamment lorsqu’elles sont usagères dans des Esat, et soumises au Code de l’action sociale et des familles (CASF). « 27 % du salaire brut d’un employé du privé est prélevé pour financer sa retraite, un des taux les plus élevés des pays développés », écrit Béatrice Mathieu. Aux États-Unis, ce taux tombe à 1,6 % seulement. Cet écart vertigineux pénalise certains usagers du secteur protégé, notamment des Esat et des entreprises adaptées. Ils seraient actuellement incapables de s’adapter à un autre système de retraite que celui par répartition, puisque leurs taux de chômage et leurs rémunérations restent inadaptés. Les gouvernements successifs ont cherché des solutions. Depuis les années 1980, ils ont réduit les charges patronales sur les bas salaires pour favoriser l’emploi. Or, les blocages psychologiques subsistant dans les entreprises, face à des personnes porteuses d’autisme ou en fauteuil roulant, persistent. En 2023, l’Agefiph précisait que le taux d'activité et le taux d'emploi des personnes handicapées atteignent respectivement 45 % et 39 %.

 

« 27 % du salaire brut d’un employé du privé est prélevé pour financer sa retraite, un des taux les plus élevés des pays développés. » — Béatrice Mathieu

Des perfusions à base de minimas sociaux


Ainsi, l’irresponsabilité de nombreuses entreprises ayant préféré sensibiliser leurs salariés plutôt que d’agir concrètement avec les personnes en situation de handicap, en levant toute forme de blocage psychologique, a eu un effet pervers : « les entreprises, peu incitées à augmenter les salaires, ont contenu les rémunérations au niveau du SMIC, alimentant ainsi le déficit des retraites », écrit Béatrice Mathieu. Dans cette spirale infernale, la précarisation du travail nourrit le déséquilibre des caisses de retraite. Lors de son premier mandat, Emmanuel Macron a tenté de trouver une issue à ce problème. Il a proposé une transformation radicale du système avec une « réforme systémique ». « Celle-ci consistait – via la mise en place d’un système à points – à supprimer les régimes spéciaux et à fusionner les quelque 37 régimes actuels dans un régime unique », écrivent Borgetto et Lafore. Mais la complexité du projet et l’hostilité de l’opinion ont eu raison de cette ambition. « Cette réforme fut purement et simplement abandonnée à la faveur de la crise sanitaire », concluent-ils. Alors, que faire ? Le nombre d’actifs en situation de handicap vivant de leur travail reste faible. Les immenses compétences de certains handicapés n’enlèvent rien au fait qu’ils soient encore sous la perfusion des minimas sociaux, alors qu’ils ne devraient plus l’être. Quant aux dépenses de retraite, elles accaparent toujours une part massive du budget de l’État. « Sur 1 000 euros d’impôts collectés, 562 euros sont consacrés à la protection sociale, dont 248 euros pour les retraites », détaille Béatrice Mathieu. Ces sommes semblent immenses comparées à celles perçues par d’autres secteurs. L’éducation reçoit 90 euros, la recherche 22 euros, la défense 31 euros et la justice seulement 4 euros. « Cette prédominance des dépenses sociales freine l’investissement public, notamment dans la transition écologique et la compétitivité économique », alerte Joceran Gouy-Waz, économiste à la Fondation Jean-Jaurès dans L’Express.

« Les entreprises, peu incitées à embaucher, ont préféré sensibiliser plutôt qu’agir concrètement, perpétuant ainsi une situation d’exclusion. » — Béatrice Mathieu

« Les retraites moyennes des femmes sont environ la moitié de celles des hommes »

L’autre problème majeur du système français est son extrême complexité. Un constat qui a conduit à des tentatives de simplification, comme la loi du 20 janvier 2014. Celle-ci a instauré « l’Union des institutions et services de retraites sous la forme d’un GIP en charge de la simplification et de l’amélioration du droit », avec pour objectif d’accroître la transparence et d’améliorer les relations entre les assurés et les organismes de retraite. Cette inégalité se traduit notamment dans les pensions perçues. « Les retraites moyennes des femmes sont environ la moitié de celles des hommes », rappellent Borgetto et Lafore. Une disparité que vivent également les personnes en situation de handicap. Elle s’explique par des « durées d’assurance plus courtes et des niveaux de rémunération plus faibles » tout au long de la carrière. Car le véritable enjeu est là : « Les systèmes de retraites sont dans une tension forte entre l’objectif de maintien d’un niveau de vie et les contraintes structurelles ». Le vieillissement de la population, la baisse du taux d’activité et les difficultés salariales de personnes en situation de handicap aptes à gagner plus, qui continuent à toucher des minimas sociaux, mettent à mal un équilibre déjà fragile. La durée moyenne des carrières dans chaque régime explique en partie les disparités. « Les retraites servies par les régimes spéciaux doivent être comparées au total des pensions de base et des retraites complémentaires servies aux autres retraités », écrivent Borgetto et Lafore. Une analyse comparative délicate, qui alimente régulièrement les tensions sociales. Enfin, le débat sur la réforme des retraites en France est donc loin d’être clos.

« La réforme des retraites doit intégrer la question du handicap, sous peine d’aggraver les inégalités sociales. » — Joceran Gouy-Waz, économiste
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