Le 12 décembre 2024, à l’UNESCO, l’autisme sera mis en valeur par la directrice des missions locales d’Île-de-France et productrice du film L’Hymne à l’inclusion, Tatiana Ayme. Elle organise la première édition du Neuro Movies & Meeting. Pourtant, sous les apparences, cette réalisatrice « engagée » peine à comprendre les difficultés socio-relationnelles des personnes qu’elle aborde dans ses films.
Par Oscar Tessonneau
« Toute la société peut sortir grandie en incluant l'autisme au sein des politiques RSE des entreprises. » En lisant ce témoignage de Tatiana Ayme, dans un article du site Handicap.fr abordant le film L’Hymne à l’inclusion qu’elle a produit, on pourrait croire qu’elle sait comment prendre en charge des personnes porteuses du trouble dans le milieu professionnel. Derrière cette façade inclusive, qu’elle construit en tant que présidente de l’association Prisme Autisme, ou en effectuant des interventions sur l’autisme dans des entreprises comme Warner Bros, ou Air France, Tatiana Ayme interagit avec les autistes en leur imposant de nombreuses contraintes : « Je suis sous l’eau et fais le max dans tout ce que je dois préparer », nous écrit Ayme sur WhatsApp le 26 novembre.
Destiné à mettre en lumière les personnes autistes, qui seraient confrontées, comme l’indiquait l’ancien directeur général d’Andros, Jean-François Dufresne, au site Handicap.fr, à un « taux de chômage global estimé à 95 % », Neuromovies est un événement organisé à partir de contraintes que ces derniers supportent mal. Dans Pathological Demand Avoidance Syndrome (PDA), un article paru le 15 janvier 2021, Sue Griffiths décrit l’autisme comme un handicap marqué par une « résistance obsessionnelle aux demandes extérieures, même les plus simples ». Cette résistance, explique-t-elle, ne découle pas d’un choix ou d’une volonté de s’opposer, mais d’une anxiété profonde qui paralyse littéralement la personne concernée dès qu’une attente explicite est formulée à son égard. « Les personnes atteintes de PDA ressentent une pression extraordinaire face à des attentes qui, pour d’autres, seraient simplement banales », écrit-elle. Cette pression transforme même les tâches les plus anodines en véritables montagnes à gravir, ce que refuse d’entendre Ayme, notamment lorsqu’elle fixe des contraintes financières.
Dans un courriel que Rightbrain a pu se procurer, elle écrit : « Je fais beaucoup de coupes dans le budget et ne peux pas m’ajouter des frais. » Quelques heures plus tard, le lundi 11 novembre, l’organisatrice de Neuromovies poursuit avec une proposition à ses interlocuteurs eux-mêmes porteurs d’autisme, qui trahit une certaine asymétrie dans les collaborations : « Je t’avais proposé d’utiliser mon événement pour te faire connaître. J’intègre ton logo gratuitement et, en contrepartie, on pouvait imaginer une information dans ton magazine. »
« Un enfant de cinq ans, lorsqu’il reçoit une demande directe, agit comme s’il n’avait pas entendu »
Ce type de compromis non rémunéré, qui offre de la visibilité en guise de récompense à un magazine ayant déjà une bonne notoriété dans les sphères politiques, souligne un déséquilibre structurel inhérent au projet Neuromovies, construit autour de nombreuses contraintes financières. Comme nous venons de le voir, les mécanismes d’évitement mis en place par les autistes avec les autres ne se limitent pas à un simple refus ou à une opposition passive : « Les personnes atteintes de PDA deviennent expertes dans l’évitement des demandes. Elles utilisent des stratégies variées, allant de l’excuse à la distraction, en passant par des arguments interminables ou même des retraits dans des mondes imaginaires », écrit Sue Griffiths. Dans un tel contexte, toute tentative de structurer un projet autour de ces individus se heurte à des comportements d’évitement qui minent l’efficacité. Une anecdote rapportée par un pédiatre parisien souhaitant rester anonyme illustre parfaitement ces mécanismes : « Un enfant de cinq ans, lorsqu’il reçoit une demande directe, agit comme s’il n’avait pas entendu, ou commence à parler d’autre chose jusqu’à ce que l’adulte oublie ce qu’il voulait demander. Il invente des excuses ou se roule par terre comme un bébé. » Si ce type de comportement est souvent attribué aux enfants autistes, il se retrouve également chez les adultes atteints de PDA.
Dans des échanges sur la messagerie WhatsApp, Ayme répond sèchement : « Pas de vente dans l’UNESCO. Mais te faire connaître, oui. » Ce refus catégorique souligne non seulement les contraintes imposées par l’institution, mais aussi la difficulté de concilier les attentes des partenaires avec les règles strictes du lieu. Tatiana ajoute d’ailleurs à son interlocuteur sur la messagerie cryptée : « UNESCO doit tout valider, c’est excessivement rigide. »
" Ma fille ressent une pression disproportionnée face aux règles et consignes, même lorsqu’elles sont formulées avec bienveillance. »
Cette rigidité peut rapidement rendre les personnes autistes ingérables. Parmi les traits marquants du trouble, une mère de la région bordelaise nous indique comment elle a été dans l’obligation de réduire le nombre de contraintes fixées à son fils de 8 ans, scolarisé dans une UEMA (Unité d’Enseignement Maternelle pour les personnes autistes) : « Ma fille ressent une pression disproportionnée face aux règles et consignes, même lorsqu’elles sont formulées avec bienveillance. » Cette perception transforme chaque interaction en une potentielle source de conflit, rendant les communications internes particulièrement fragiles si elles sont basées sur les contraintes.
Au-delà des interactions humaines, une autre caractéristique du PDA complique encore davantage la capacité des autistes à gérer une contrainte : leur tendance à développer des fixations obsessionnelles, souvent sur des personnes ou des objets spécifiques. Griffiths écrit que ces fixations, bien qu’anodines dans des contextes informels, peuvent devenir pesantes dans un cadre professionnel. Elle écrit : « L’obsession envers une personne spécifique peut devenir écrasante pour cette dernière, générant une dynamique déséquilibrée qui perturbe l’ensemble du groupe. »
Si cette obsession prend pour cible une personne, comme Tatiana Ayme lorsqu’elle fixe de nombreuses contraintes à ses interlocuteurs en situation de handicap, ou un aspect particulier de l’organisation, elle peut monopoliser les efforts de la personne concernée au détriment des autres priorités. Griffiths souligne une sensibilité aiguë aux attentes, parfois même implicites, qui provoque des réactions émotionnelles extrêmes. « Ces réactions, qui peuvent inclure des explosions de colère ou des retraits soudains, sont souvent mal comprises et interprétées comme des comportements intentionnels, alors qu’elles traduisent une angoisse insurmontable », écrit-elle.
Ce type de comportement constitue un défi majeur pour l’organisation d’un événement comme le Neuro Movies & Meeting, où chaque étape repose sur la capacité des membres de l’équipe à gérer des attentes claires et souvent impératives.
Enfin, Griffiths illustre ce phénomène avec un exemple saisissant : « Une mère a décrit comment sa fille, dans des situations de stress, choisit de contrôler chaque détail de son environnement fictif, organisant une classe imaginaire avec des élèves qui n’existent pas, tout en perdant complètement de vue la réalité des demandes concrètes qui lui sont faites. »
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