Quand les mots libèrent les maux

Quand les mots libèrent les maux

Pour les personnes avec autisme, les expressions artístiques sont un moyen de se libérer, de mieux gérer le handicap. Comme d’autres, Théodore et Matthieu utilisent l’art de Molière pour s’affirmer.

Sylvain Jaufry

S’exprimer sur les planches

"Je ne suis pas Barbe Bleue", un documentaire de Sophie-Charlotte Gautier diffusé sur handicap.live, filme le quotidien de Théodore Martin, apprenti comédien, qui apprend le théâtre au sein d’une troupe. La réalisatrice s’intéresse aux bienfaits des expressions artistiques sur les personnes présentant des troubles autistiques. Sur scène, le handicap s’efface. C'est une forme de libération. "Incarner un séducteur me plaît. C’est devenir un personnage que je n’arrive pas à être", exprime-t-il. L’antagonisme attire le jeune interprète, qui s’en sert pour progresser, tel un paradoxe entre le jeu et les difficultés sociales. L’art de Molière possède ainsi une visée thérapeutique utile pour vaincre la peur du regard des autres, savoir exprimer des émotions, alors que la non-reconnaissance de celles-ci est souvent un frein aux relations pérennes.

“Le texte est ma façon de parler, de communiquer.”

"C’est un moyen d’expression qui m’a aidé à me libérer, à socialiser", dit Matthieu Lancelot, qui a écrit un spectacle dans lequel il est seul en scène. "Objectif Autistan", qui s’est jouée au théâtre El Duende de Vitry-sur-Seine, est une invitation à la découverte et à la compréhension. Le jeune homme, également traducteur et linguiste, ne cherche pas à expliquer le négatif du handicap. Sa pièce poursuit l’objectif suivant, celui de dédramatiser sans pour autant effacer les complications. "Je me réfère à mon vécu, qui n’est pas si négatif que ça", raconte Matthieu, qui met en avant la nécessité de travailler le personnage pour "se sentir à l'aise et ne pas penser au regard des autres". Cette pièce est une solution pour dompter au mieux les appréhensions, valoriser les capacités. La fatigue sociale est réduite "par le plaisir de jouer une pièce que l’on a soi-même faite", affirme le comédien qui présente le fruit de six années de travail et d’observations faites au gré de rencontres dans des cafés Asperger, une source d’inspiration pour l’auteur. Chaque ressenti l’a inspiré pour l’écriture et la sensibilisation. "Le théâtre est un lieu de vie communautaire", constate Matthieu Lancelot. Théodore évolue dans un cadre bienveillant, entouré d’autres élèves. Le contact avec les autres est enrichissant. L’art théâtral est dynamiteur et participe au développement personnel. Le texte, le verbal, libère les maux, tout comme les mouvements qui font relâcher la tension. Théodore manie le corps et les mots, sur les planches, lieu où il se plaît à être quelqu’un d’autre. Les deux artistes affichent un bon niveau de résilience pour faire abstraction du handicap.  En France, des structures proposent des ateliers de théâtre. C’est le cas de l’école Belacqua, à Paris, qui s’adresse aussi à des personnes en situation de handicap. L’association Tedai 84 travaille pour la mise en lumière de comédiens autistes. La petite troupe a même donné un spectacle fin avril 2024 sur une scène avignonnaise. Les formes artistiques sont de véritables leviers. Certains choisissent l’audiovisuel, d’autres le chant. Toutefois, le théâtre est idéal pour se découvrir et s’affirmer.


 

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