Le plus grand manipulateur des USA

Le plus grand manipulateur des USA

Au coeur du livre La Musique du Hasard, l’argent est présenté comme un outil aidant les individus à maitriser leurs émotions.

Oscar Tessonneau

"Lorsqu'il regarde Pozzi transformé, Nashe réfléchit avec satisfaction que 'tout se résume à une question de mise en scène'" 

Dans son livre Paul Auster and Postmodern Quest: on the Road to Nowhere, Ilana Shiloh analyse longuement le roman « La musique du hasard » de Paul Auster. Elle décrit les relations complexes de la relation entre l'argent, la liberté et le contrôle à travers le personnage de Nashe. Le personnage principal, Nashe, qui interprète l'argent comme une source de liberté, en vient également à l'utiliser comme un moyen de contrôle, notamment vis-à-vis de Pozzi, un jeune auto-stoppeur qu'il prend sous son aile. "Lorsqu'il regarde Pozzi transformé, Nashe réfléchit avec satisfaction que 'tout se résume à une question de mise en scène'" précise Auster à la page 38 de La musique du hasard. Il met ainsi en évidence la manière dont Nashe utilise l'argent pour orchestrer les vies autour de lui, même si cela doit finalement conduire à sa propre perte financière et personnelle. Elle précise que cette dichotomie entre contrôle et abandon se manifeste pleinement lorsque Nash décide de prendre la route sans plan précis, cherchant à embrasser un sens de l'autonomie et de maîtrise à travers l'incertitude. Siloh précise qu’à ce moment du livre, la quête de liberté de Nashe se reflète dans son rapport à l'argent, lequel devient un catalyseur de son voyage avec l’auto-stoppeur.

Manipulation

"L'argent, le leitmotiv du roman, est le tremplin qui active tout le récit - sans l'argent, Nashe n'aurait pas pu quitter son emploi, acheter une nouvelle Saab rouge et commencer à zigzaguer à travers l'Amérique" , note-t-elle. Pour Nashe, l'argent n'est pas tant valorisé pour son pouvoir d'achat, mais pour son potentiel à libérer. À travers cette exploration, Shiloh dépeint Nashe comme un libertarien. Peu attaché les attaches familiales et l'autorité sociale, il se redéfinit à travers la liberté de la route ouverte.  "Il considère sa rupture avec le passé et sa décision de prendre la route comme une forme de création de soi" , écrit Siloh, faisant écho aux thèmes de la création et de la renaissance personnelles qui traversent les œuvres d'Auster. Ces réflexions lui permettent de présenter Nashe comme un homme complexe. Il semble en quête de sens dans un monde où il a choisi d'embrasser le hasard et la liberté comme principes directeurs, évoquant ainsi les thèmes chers à Paul Auster de l'autonomie, de la maîtrise de soi, et des grandes quêtes existentielles. Dans le livre qu’elle a consacré au romancier new-yorkais, Ilana Shiloh précise que la dichotomie qui se manifeste lorsque Nashe, qui interprète l'argent comme une source de liberté, en vient également à l'utiliser comme un moyen de contrôle sur Pozzi, qui est une sorte d’archétype de l’américain pauvre. "Pozzi correspond parfaitement à la description de Whitbourn sur les picaros : issu d'une famille pauvre et discréditée, fils d'un escroc" rapporte l’universitaire israélienne, démontrant comment Auster utilise ce personnage pour critiquer et questionner les valeurs de la société américaine capitaliste.

La route de la fortune 

Dans « La musique du hasard », Paul Auster évoque également les thèmes de la chance, de risque et d'autonomie à travers ces interactions. Il explique comment les personnages de Nashe et Pozzi, chacun à leur manière, cherchent à redéfinir leur destinée loin des contraintes imposées par les structures traditionnelles, que ce soit par l'ascendance ou par le capital. Le jeu, en tant que métaphore de leur existence, devient ainsi un champ de bataille darwinien où chacun joue sa survie contre les caprices du hasard et les rigueurs du système où les pauvres comme Pozzi sont méprisés "Pozzi, né dans la pauvreté et l'ignominie, reçoit de son père absent un héritage inattendu de cinq mille dollars, un cadeau de fin d'études qui le propulse dans une carrière de joueur de poker professionnel » écrit Auster dans La musique du hasard. Cette analyse approfondit la nature complexe de Pozzi, un homme qui, bien qu'évoluant dans un milieu corrompu, choisit de vivre en respectant les normes sociales les plus darwiniennes, utilisant son intelligence et sa ruse pour surmonter les aléas de la vie "Pozzi n'est pas juste un personnage roublard qui méprise une société corrompue dont il convoite néanmoins la richesse. Il est un picaro fondamentalement ambigu, caractérisé par une combinaison de cynisme et d'une capacité inhabituelle à jouer avec les systèmes à son avantage" écrit Paul Auster à la page de 25 de La musique du hasard.

Néanmoins, Paul Auster précise aux pages 55 et 56 que dans un monde très darwinien, le jeune auto-stoppeur est un joueur talentueux, utilisant sa perspicacité pour évaluer et manipuler les situations du quotidien à son avantage. "Il semblait se concentrer davantage, analyser les situations plus rapidement, être plus sûr de lui que quiconque Nashe avait affronté auparavant" (p. 55). Malgré son apparence frêle, Pozzi est décrit par Paul Auster comme courageusement indépendant, improvisant sa vie au jour le jour, s'en remettant à son esprit vif pour rester à flot. Ainsi, Ilana Shiloh écrit dans Paul Auster and Postmodern Quest: on the Road to Nowhere, que Pozzi, tout comme les autres personnages d'Auster, illustre le thème de la lutte pour l'autonomie contre les forces extérieures oppressantes. 'Ouais, je m'en sors. J'ai des hauts et des bas, mais je n'ai jamais rencontré de situation que je ne puisse gérer. L'important, c'est que je fais ce que je veux. Si je perds, c'est mon cul. Si je gagne, l'argent est à moi. Je n'ai de compte à rendre à personne' " (p. 32). Ecrites par Paul Auster, ces phrases, selon Shiloh, renforcent l'image de Pozzi comme un aventurier moderne, naviguant habilement à travers les défis de la vie grâce à son ingéniosité et son indépendance. 

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