Daisy Letourneur, porte-parole de l'association Toutes Des Femmes et autrice de l'essai Petit traité féministe sur les masculinités, réagit aux propos controversés d'Emmanuel Macron sur le changement de sexe en mairie. Dans cette interview exclusive, elle exprime colère et inquiétude face à des déclarations qu'elle juge transphobes, tout en détaillant les actions à venir.
Oscar Tessonneau
Quelle a été votre réaction initiale aux propos d'Emmanuel Macron concernant le changement de sexe en mairie ?
Daisy Letourneur : Notre première réaction a été la colère. Alors que la transphobie monte en France, agitée par des polémiques médiatiques qui se traduisent par une augmentation des violences transphobes dans les familles, dans les écoles et dans la rue, on espérait ne pas voir le président de la république contribuer à ce climat toxique. Il n'y a rien d'ubuesque à réclamer une mesure qui a été mise en place en Allemagne, en Espagne et dans plus d'une dizaine d'autres pays européens. Ce qui est ubuesque, c'est de devoir, en France en 2024, passer devant un juge pour qu'il décrète si vous êtes un homme ou une femme. Le président leur dit que nous ne sommes toujours pas les égaux des citoyens cisgenres, que la discrimination des personnes trans reste légitime. En d'autres termes : sous Macron, la transphobie reste légitime en France.
Comment le mouvement féministe et LGBT a-t-il réagi à ces propos ?
Daisy Letourneur : La levée de boucliers du mouvement LGBT a été unanime. La solidarité du reste du mouvement féministe aussi. À gauche, de nombreuses personnalités politiques ont exprimé leur soutien. L'extrême droite, elle, ne sera jamais notre alliée. C'est surtout la crédibilité du président qui est aujourd'hui ébranlée. Rappelons qu'il s'était prononcé en 2022, dans le magazine Têtu, pour la mesure qu'il qualifie aujourd'hui d'ubuesque. Pour le président, les personnes trans, comme les autres minorités, sont des citoyennes et citoyens de seconde zone, objets politiques à manipuler au gré de ses ambitions électorales.
Comment percevez-vous l'impact de ces déclarations sur les personnes transgenres et leur lutte pour l'égalité des droits ?
Daisy Letourneur : La déclaration elle-même, comme beaucoup d'autres, n'aura probablement aucun impact sur la politique du président et de son gouvernement. Elle contribue par contre à autoriser la transphobie dans les médias et dans nos quotidiens. Une déclaration comme celle-ci, c'est un message envoyé à celles et ceux qui s'inquiètent d'une "normalisation" des personnes trans.
Pensez-vous que les propos du Président puissent nuire à l'image de votre association et de vos actions ? Si oui, comment ? Quelles actions envisagez-vous pour répondre à ces déclarations et défendre les droits des minorités concernées ?
Daisy Letourneur : Nous avons lancé il y a quelques mois la campagne jugepasmongenre.fr pour défendre cette revendication d'un changement d'état civil libre et gratuit, et nous allons continuer à nous battre. Si cette revendication fait polémique aujourd'hui, c'est parce que nous avons réussi à l'imposer comme centrale dans le mouvement LGBTI. Nous n'allons pas nous décourager pour si peu. Nous invitons vos lecteurs à signer la pétition pour soutenir la campagne, à rejoindre l'association, à nous soutenir en achetant des autocollants, et à nous suivre sur les réseaux sociaux.
Comment vos membres et bénéficiaires ont-ils réagi face à ces propos et quelles sont leurs principales préoccupations à ce sujet ?
Daisy Letourneur : Si cette revendication fait polémique aujourd'hui, c'est parce que nous avons réussi à l'imposer comme centrale dans le mouvement LGBTI. Nous n'allons pas nous décourager pour si peu. Nous invitons vos lecteurs à signer la pétition pour soutenir la campagne, à rejoindre l'association, à nous soutenir en achetant des autocollants, et à nous suivre sur les réseaux sociaux.
Pensez-vous que cette polémique pourrait influencer les résultats des législatives ? Si oui, de quelle manière ?
Daisy Letourneur : J'espère que cette polémique aidera les personnes LGBTI et leurs allié.e.s à reconnaître l'importance de se mobiliser contre toutes les forces transphobes, antiféministes et homophobes. Dans sa même sortie sur les personnes trans, le président a aussi critiqué un programme "immigrationiste" de la gauche, reprenant encore les termes de l'extrême droite. La politique migratoire très dure de l'État français sous Macron est aussi homophobe et transphobe, puisque des membres de la communauté, parfois malades du VIH, se voient refuser l'asile et sont renvoyés vers des pays où le risque est pour eux mortel. Une vraie politique pour les personnes LGBTI prend en compte notre sur-précarisation au niveau du logement, de l'emploi, de la médecine et du statut migratoire. Ce sont autant de facteurs qu'on ne peut pas oublier quand on veut lutter pour toute la communauté et pas seulement ses membres les plus privilégiés.