Thierry Dominici : « Les conséquences sont simples : il y aura cohabitation avec la nouvelle majorité. »

Thierry Dominici : « Les conséquences sont simples : il y aura cohabitation avec la nouvelle majorité. »

Le politologue et maître de conférences à l'université de Bordeaux, nous éclaire sur les enjeux et les implications de la dissolution de l'Assemblée nationale sous la Ve République.

Oscar Tessonneau

Pourriez-vous expliquer le rôle du Président de la République dans la dissolution de l'Assemblée nationale, en se référant à l'article 12 de la Constitution de 1958 ?

Thierry Dominici, politologue et maître de conférences à l'université de Bordeaux :  Cela fait partie de ses prérogatives propres. En droit constitutionnel, on dit que ces pouvoirs ou prérogatives lui sont « propres », sorte de jardin réservé, car ils ne les partagent pas avec le Premier ministre et donc n’engage pas sa responsabilité institutionnelle. Étant élu, il incarne le peuple souverain et donc il peut enclencher ce processus de dissolution en temps de période grave (conflit, terrorisme, émeutes, etc.) car il est le gardien des institutions et le monarque républicain élu au suffrage universel direct.

Lorsqu’il prononce son discours devant le Conseil d’État le 27 août 1958, Michel Debré évoque la fonction d’équilibrage de la dissolution et son rôle pour sortir d’une crise. Pourquoi ce discours est-il resté dans les annales ?

Thierry Dominici :  Ce pouvoir de dissolution fait passer le régime de la Cinquième République d’un régime parlementaire de type dualité à un régime semi-présidentiel. De sorte que le présidentialisme s’installe avec le temps.

Dans son manuel de Droit constitutionnel, le professeur Olivier Gohin indique que la responsabilité politique du Président de la République n'a jamais été associée à la dissolution de l'Assemblée nationale. Pouvez-vous expliquer pourquoi, malgré ce constat, la dissolution demeure un enjeu politique majeur pour le Président ?

Thierry Dominici :  Simplement parce que la dissolution fait partie de ses pouvoirs propres (article 19). C’est l’unique outil qui lui permet de gouverner en urgence et aussi de chercher à acquérir une majorité parlementaire. C’est la base du régime parlementaire dualiste imaginé en 1958 par Michel Debré.

Comment la dissolution prononcée par Jacques Chirac en 1997, qui a mené à une cohabitation avec la Gauche, est-elle différente de celle prononcée dimanche ?

Thierry Dominici :  Dans les deux cas, on peut imaginer que le président cherche à recouvrer sa majorité parlementaire. La grande différence ici, c’est que la dissolution a été décidée après la victoire d’une force politique autre que les partis républicains traditionnels.

Pouvez-vous discuter des conséquences politiques potentielles pour un Président qui déciderait de dissoudre l'Assemblée nationale sans s'assurer d'une majorité parlementaire favorable, dans un contexte où l’extrême-droite est aussi forte ?

Thierry Dominici :  Les conséquences sont simples : il y aura cohabitation avec la nouvelle majorité. La dissolution est perçue ici comme l’articulation d’un pacte républicain et citoyen contre la montée des droites extrêmes. C’est un pari politique et en même temps, c’est un bon moyen pour recouvrer la majorité présidentielle. Le risque est l’étendue de la défaite, avec une grande majorité des futurs parlementaires potentiellement incarnée par des forces politiques populistes.

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