Rien n'a changé

Rien n'a changé

Hier en conférence de presse, Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN), s’est positionné comme le champion de la lutte contre l'immigration et l'insécurité, afin de réaffirmer l’identité souverainiste de son parti.

Oscar Tessonneau 

L'héritier

Jordan Bardella, président du RN, est à un tournant de sa carrière politique. Hier, il dévoilait les grandes lignes de son programme pour les élections législatives anticipées. Son discours sur les menaces étrangères, que représenteraient les personnes ayant une double nationalité, suscite depuis de vives réactions, notamment en raison de mesures controversées visant à exclure les binationaux de certains postes publics stratégiques. Cette décision, justifiée par Bardella comme une nécessité pour lutter contre les ingérences étrangères, a néanmoins soulevé des inquiétudes quant à son impact sur des millions de personnes aux côtés desquelles Bardella a en partie grandi.

Comme l’indique le journaliste Pierre Stéphane Fort dans son livre Le Grand remplaçant : La face cachée de Jordan Bardella, le premier secrétaire du RN a grandi dans la cité Gabriel-Péri de Saint-Denis, un environnement qui a forgé son rapport à l’immigration dès son plus jeune âge, où il reprend les éléments de langage d’Alain Soral et Jean-Marie Le Pen pour parler de ceux que ses maitres à penser appellent les racailles. Il raconte : « J'ai grandi dans une cité violente, je connais la réalité des quartiers, cela a éduqué ma conscience civique très tôt. » dit-il souvent. Néanmoins, une grande confusion subsiste sur le fond de ses propos, puisqu’il décrit souvent cette période de son enfance avec une certaine nostalgie : « C'était aussi un moment où le FN mettait en avant le racisme anti-blanc et nous, on voyait à travers notre parcours en Seine-Saint-Denis que parfois on peut être minoritaire dans son propre pays. »

Ces souvenirs nourrissent son discours politique actuel, souvent axé sur la dénonciation de l'immigration et de l'insécurité, deux points à partir desquels il construit sa stratégie de communication. « Son narratif de gamin de cité aux prises avec l'immigration massive, la violence, la délinquance, l'islam rétrograde, Jordan Bardella va le poncer jusqu'à l'os. »

Martelage

Dès la campagne des européennes de 2019, Bardella martèle ce message à plusieurs reprises, évoquant des « quartiers où j'ai grandi, qui ne sont pas la France » et décrivant un futur sombre dominé par le "grand remplacement". « Ce sont des phrases qu'il a dû prononcer 2 500 fois depuis les européennes. Une fois qu'on a trouvé le narratif, il n'est pas question de le lâcher ! » expliquait Pascal Humeau, l'un de ses conseillers dans l’émission complément d’enquête il y a quelques mois.

Ce discours aurait favorisé son rapprochement avec les milieux identitaires, qu’ils fréquentent dès les années 2010 aux apéros du RN, finement analysés par les journalistes Nicolas Massol et Marylou Magal dans leur livre L'extrême droite, nouvelle génération. Enquête au cœur de la jeunesse identitaire. Bien qu'il minimise cette association en déclarant : « Les mecs de chez Zemmour m'aiment bien, voilà tout. » , il ne peut nier l'influence que plusieurs élus proches de ce petit cercle de jeunes radicaux, construits autour de Pierre Gentillet et Sarah Knafo dans les années 2010, a eu sur lui, et le récit qu’il raconte dans les médias.

Narration

Cette stratégie, minutieusement élaborée, repose sur un narratif personnel soigneusement construit avec des éléments de langage efficaces. « En tant que professionnel de la communication, travailler sur le narratif de Bardella, c'était un régal. Avec Philippe Vardon, on bossait ensemble sur la communication de Bardella et de sa campagne des européennes de 2019. On a réalisé des vidéos dans lesquelles Bardella raconte sa belle histoire. Son narratif, il était tout trouvé : j'ai grandi en banlieue, j'ai connu l'immigration de masse, l'insécurité, la délinquance, l'islam, je vais vous proposer des solutions.»

Cette transformation est évidente dans ses interviews et discours. Avant la mise en place de son storytelling, Bardella se contentait de déclarations factuelles et neutres. « J'ai grandi en banlieue, à Saint-Denis. - Où ça ? lui demande le présentateur. - En centre-ville de Saint-Denis. » Mais avec le temps, son discours est devenu plus émotionnel et chargé de récits personnels, comme lorsqu'il évoque les difficultés financières de sa mère pour susciter la sympathie et renforcer sa crédibilité politique. « Je n'oublierai jamais qu'avoir vu ma mère finir le mois

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