Référendum : L’article 11 reste l’un des plus controversés de notre Constitution

Référendum : L’article 11 reste l’un des plus controversés de notre Constitution

 Emmanuel Macron, en évoquant la possibilité de recourir à un référendum national pour la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, soulève des questions complexes, liées à l’article 11 de notre constitution.

Oscar Tessonneau

Soumission

Dans son manuel intitulé Droit constitutionnel contemporain, le politologue Dominique Chagnollaud explique que le recours au référendum repose sur des dispositions précises de la Constitution de la Ve République, notamment l'article 11. « Avant la révision constitutionnelle de 1995, l’article 11 énonçait que le président de la République, sur proposition du Gouvernement […] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics […] ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. » En mentionnant qu'il pourrait soumettre la réforme du corps électoral calédonien à un référendum, Macron s'appuie sur cette possibilité constitutionnelle, bien que celle-ci soit sujette à des débats. En pratique, un référendum organisé grâce à l’article 11 permettrait de trancher la question du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie de manière démocratique, en impliquant directement tous les citoyens français vivant à des milliers de kilomètres de l’île. Cette approche pourrait répondre aux critiques selon lesquelles la réforme a été adoptée sans un consensus suffisant parmi les élus locaux et nationaux. À partir de ce constat, Philippe Gomès, président de Calédonie Ensemble, exprimait ce matin à la journaliste du Monde Nathalie Segaunes sa stupeur face à cette annonce, indiquant la complexité et la sensibilité politique de la situation. Le recours à un référendum national grâce à l’article 11 sur une question locale et spécifique comme celle de la Nouvelle-Calédonie soulève en effet des questions juridiques et démocratiques importantes, notamment en ce qui concerne la représentation et la légitimité des voix locales dans un vote national.

 "La possibilité d’organiser un référendum national sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, c’est une lecture de la Constitution, pas l’expression d’une intention."

Bien que juridiquement fondée, l’option référendaire est perçue par les indépendantistes comme une confirmation que le chef de l'État ne reviendra pas sur le dégel du corps électoral, malgré l'absence de majorité au Congrès pour l'adopter. "J’ai juste rappelé ce qu’était la Constitution," a tenté de minimiser Macron lors d’une conférence de presse en Allemagne, avec son confrère Olaf Scholz. "La possibilité d’organiser un référendum national sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, c’est une lecture de la Constitution, pas l’expression d’une intention," a-t-il rectifié. Néanmoins, Chagnollaud précise que depuis le référendum de 1962, organisé par le Général De Gaulle, l’article 11 de la constitution soulève des questions complexes. Il précise que de nombreux éminents juristes de l’époque, comme le doyen Vedel, avaient déjà souligné l’ « inconstitutionnalité » de la procédure. « Le Conseil constitutionnel, dans une note confidentielle adressée au général de Gaulle, indique le caractère inconstitutionnel du recours à l’article 11. »

« L’usage établi et approuvé par le peuple »

Cette note du 2 octobre 1962, adoptée par 7 voix pour, 2 contre et une abstention, stipulait selon Chagnollaud que « la Constitution fixe, limitativement, dans son titre XIV intitulé de la Révision, comportant l’unique article 89, seul texte applicable en la matière, les cas où elle peut être soumise à révision ainsi que les procédures susceptibles d’être employées à cette fin. » Ainsi, la procédure envisagée par le Général De Gaulle en 1962, comme le prochain référendum calédonien, ne seraient pas conformes aux dispositions dudit article. « Dès lors, il considère que la procédure dont il s’agit ne saurait être regardée comme constitutionnelle et la consultation qui en est l’objet comme un référendum au sens de la Constitution. » Ainsi, à partir de cette note du Conseil constitutionnel, on peut mettre en lumière les problèmes soulevés par l’article 11, qui permettra à Emmanuel Macron d’organiser un référendum. La possibilité d'un référendum national sur une question aussi spécifique que le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie pose question. Si ce référendum vise à résoudre une impasse politique, elle n'en reste pas moins juridiquement et politiquement périlleuse. L'usage de l'article 11 pour contourner les blocages parlementaires, bien que précédemment validé dans certains contextes, reste une question délicate et sujette à controverses. « L’usage établi et approuvé par le peuple », comme l’indiquait François Mitterrand, n'est pas une garantie absolue de constitutionnalité, surtout face à un Conseil constitutionnel vigilant quant aux déviations potentielles de la procédure. Par conséquent, la proposition de Macron, bien que constitutionnellement possible, soulève des questions essentielles sur l’équilibre entre le respect des institutions et la volonté de répondre aux crises politiques par des moyens démocratiques directs.

 

 

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