Quand les politiques ont des convictions

Quand les politiques ont des convictions

Lorsqu’il lance son mouvement en 2018 avec Claire Nouvian, Diana Filippova, Thomas Porcher et Jo Spiegel, Raphaël Glucksmann ambitionne de redonner vie à la politique en y intégrant des « porteurs de cause » qui ont conquis l’espace politico-médiatique français.

Oscar Tessonneau

Militantisme

Qui aurait cru il y a six ans que le fondateur du mouvement Place Publique deviendrait l’homme fort de la gauche française ? Créé grâce à des militants de terrain non politiciens, qui souhaitaient utiliser la politique comme levier pour changer le système de l’intérieur, ce concept novateur visait à amener de nouvelles voix et perspectives, notamment celles autour de grands combats militants comme les Ouighours. Cependant, il a connu des débuts tumultueux et une rapide désillusion. « L’échec de Place Publique, c’est notamment ce processus qui est à l’origine de la déception de ce mouvement politique lancé par Raphaël Glucksmann.», écrit Mahaut Chaudouët-Delmas dans son livre Le pouvoir jeune : Mettre l'avenir entre les mains de ceux qui vont le vivre. Cependant, l’essayiste affirme que l’idée était prometteuse : faire émerger des « porteurs de cause » comme Judith Aquien, militante féministe, Nayla Ajaltouni, défenseuse des droits humains, ou encore Olivier Dubuquoy, géographe et lanceur d’alerte sur les boues rouges. « Des incarnations d’ailleurs relativement jeunes, et qui parlaient aux jeunes, dont je faisais partie ». En effet, les premiers mois de Place Publique ont été marqués par des tensions internes et des désaccords sur la direction du mouvement. « Au bout de quelques mois d’existence, dès l’entrée en négociation avec les partis politiques et l’inscription dans l’agenda électoral européen, le mouvement implose et les porteurs de cause décrochent un à un, dégoûtés du jeu politicien », poursuit Chaudouët-Delmas. Ce départ en cascade des figures initiales du mouvement a laissé Place Publique affaibli et en proie à la critique d’être devenu ce qu’il avait promis de changer : un acteur du jeu politique traditionnel, déconnecté des réalités de terrain. Ainsi, elle démontre que l’échec initial de Place Publique illustre la difficulté d'intégrer des militants de terrain dans un cadre politique structuré sans les aliéner. « C’est un épisode de plus de la déconnexion par les appareils politiques des enjeux, des langages et des pratiques de terrain, un exemple de plus de leur vécu dans une bulle qu’ils pensent être la société ».

Renaissance

Raphaël Glucksmann, loin de se laisser abattre, est ce soir l’homme fort de la gauche française. Il a entrepris une refonte du mouvement en se rapprochant du Parti Socialiste, avec lequel il mène un combat commun au Parlement Européen depuis 2018, tout en recentrant ses objectifs et en s’assurant de l’adhésion de ses membres aux nouvelles lignes directrices. « La ligne que l’on a définie, on va la tenir. Nous allons montrer qu’il existe une autre manière de faire barrage à l’extrême droite », a-t-il déclaré lors d'un rassemblement de ses soutiens à Paris, après qu’Emmanuel Macron ait annoncé sa volonté de dissoudre l’Assemblée nationale. « Il faut que l’on aille voir chaque personne dans le pays pour faire barrage. Nos démocraties sont fragiles et c’est dans ces moments de fragilité que l’on se réveille. Chaque seconde sera désormais un combat ». Cette détermination renouvelée a porté ses fruits lors des élections européennes, où Place Publique et le PS, qui compte encore beaucoup d’élus dans les collectivités pour voter un ensemble de budgets liés à des questions sociales comme l’allocation adulte handicapée (AAH), a réussi à obtenir 14% des voix, un résultat significatif qui a redonné espoir aux partisans du mouvement.

« Nos démocraties sont fragiles et c’est dans ces moments de fragilité que l’on se réveille »

Cette renaissance s’explique également par une adaptation aux nouvelles formes de mobilisation des jeunes, comme le souligne Chloé Ridel, porte-parole du Parti Socialiste, dans l’essai de Chaudouët-Delmas : « Les jeunes sont différemment engagés aujourd’hui : ils se mobilisent sur les réseaux sociaux, interpellent par le tag, signent des pétitions en ligne, participent à des actions de désobéissance civile. Ce sont des formes d’engagement moins figées ». En se mobilisant sur la question des Ouighours, ou des actions menées par des multinationales comme Nike, Glucksmann semble avoir intégré cette dynamique, combinant présence sur le terrain et engagement numérique, pour recréer un lien avec une jeunesse désillusionnée par les formes traditionnelles de politique. « Dans la forme, même s’il n’aborde pas du tout la question du handicap mental, son engagement me plaît », nous indique Hélène, une militante de l’association cléautiste. Électrice de Glucksmann, elle voit dans la résurgence de Place Publique, une preuve que les idéaux fondateurs du mouvement n’ont pas été oubliés, mais réajustés pour mieux correspondre aux réalités actuelles et aux attentes des citoyens, d’autant plus que Glucksmann ne souhaite pas trahir ses électeurs : « Nos démocraties sont fragiles et c’est dans ces moments de fragilité que l’on se réveille », répète-t-il, soulignant que l'engagement de chaque individu est crucial pour maintenir la vigueur et la résilience de la démocratie. Ainsi, Place Publique, avec sa nouvelle dynamique, s'affirme comme une force incontournable dans le paysage politique français, prête à relever les défis de demain.

Retour au blog

Laisser un commentaire