Législatives : un scrutin dans la continuité du précédent

Législatives : un scrutin dans la continuité du précédent

 

Les élections législatives de 2024 ont marqué un tournant significatif avec une hausse notable de la participation électorale, et un succès du Rassemblement National dans les urnes. Comparé aux législatives de 2022, ce changement témoigne de dynamiques sociopolitiques en évolution, déjà identifiées par des sociologues comme Antoine Biristelle il y a deux ans.

Oscar Tessonneau

Fractures

Les élections législatives de 2024 ont atteint un taux de participation de 66,71 %, en hausse de 19,2 points par rapport à 2022, où seulement 47,5 % des électeurs s'étaient rendus aux urnes. Cette augmentation reflète une mobilisation sans précédent, soulignée par un nombre record de procurations – 2,7 millions – enregistrées par le ministère de l'Intérieur. Elle reflète également un échec des partis traditionnels ayant dû s’incliner face au Rassemblement National qui est en ballotage dans plus de 300 triangulaires.

Cette montée du Rassemblement National reste néanmoins symptomatique d’une crise de la démocratie représentative. Depuis hier, les témoignages d’électeurs adhérant totalement au projet politique du Rassemblement National sont assez rares. La majorité d’entre eux, notamment parmi les personnes en situation de handicap mental, expriment une difficulté des élus à répondre aux demandes des entreprises et des citoyens. Dans La Démocratie bousculée un essai qu’il a publié l’an dernier, le sociologue Antoine Biristelle écrit que « les citoyens n’acceptent plus de signer un blanc-seing aux représentants politiques et veulent participer plus directement en politique ».

Cette transformation des mentalités est en partie responsable de la hausse de la participation en 2024, les citoyens recherchant une représentation plus authentique et plus fidèle de leurs convictions. Durant les Trente Glorieuses, écrit Bristielle, « les citoyens étaient extrêmement dociles par rapport aux institutions politiques : le vote était une pratique admise par l’immense majorité et les représentants, tout comme les institutions politiques, étaient jugés, par essence, légitimes ». Cependant, le sociologue écrit que cette dynamique a radicalement changé avec les générations post-baby-boomers, qui rejettent désormais la délégation totale du pouvoir aux représentants élus.

RIC

La montée de la participation est également influencée par le contexte actuel de méfiance envers les institutions, un phénomène que Biristelle analyse en profondeur. Dans son essai, il explique que cette soif de participation directe est à l'origine de la défiance envers les institutions et du complotisme. Il cite la convention citoyenne sur le climat comme exemple, où « 66 % des moins de trente-cinq ans interrogés jugent qu’il faut généraliser cette manière de débattre », contre seulement 47 % chez les plus de soixante ans.

Pour répondre à cette crise de représentation, Biristelle écrit que les Français soutiennent massivement plusieurs initiatives. Parmi elles, il cite les mécanismes de démocratie directe comme le référendum d’initiative citoyenne (RIC) défendu par les Gilets Jaunes et le référendum révocatoire. « Le RIC permet aux citoyens de proposer une mesure législative ou un amendement constitutionnel » s’ils obtiennent un nombre suffisant de signatures.

En parallèle, Biristelle écrit que le référendum révocatoire permettrait de démettre un représentant politique après une pétition suffisante. « Si le référendum révocatoire est couronné de succès, une élection spéciale suit généralement », renforçant ainsi le contrôle citoyen sur les élus et réduisant la défiance institutionnelle que beaucoup de Français ont ressenti lors des débats sur la fin de vie. En effet, peu de propositions issues de la consultation citoyenne au CESE ont été retenues dans le projet de loi sur la fin de vie, présenté en mai par Catherine Vautrin dans les deux chambres. Enfin, ce manque de considération pour les citoyens électeurs crée un climat de défiance. Biristelle écrit qu’il pourrait être réduit si les élus redonnaient confiance aux citoyens en leur permettant de participer plus activement au processus politique. « 73 % des Français sont favorables à la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne », souligne Biristelle, démontrant un soutien massif pour des réformes visant à impliquer davantage les citoyens dans la prise de décision politique.

Défiance

Dans son essai, Bristielle observe également que cette défiance, encore une fois exprimée dans les urnes dimanche, est exacerbée par le sentiment de perte de contrôle des citoyens sur leurs représentants : « La possibilité de révoquer un élu lorsque celui-ci n’a pas tenu ses engagements serait ainsi le moyen parfait pour contribuer à déconstruire l’image d’une classe politique à part, déconnectée du reste de la population. »

Les données de l'OpinionWay pour le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès confirment cette tendance que Biristielle analyse. En effet, 70 % des Français considèrent les politiciens comme déconnectés de la réalité. Une autre étude de l'Ifop en juin 2021, citée par Bristielle, révèle que les citoyens souhaitent des mécanismes de contrôle plus stricts sur les actions des élus.

De plus, Biristelle écrit que d’autres enquêtes, telles que la « Vague 12 du Baromètre de la confiance politique », démontrent que cette défiance n'est pas nouvelle mais s'est intensifiée dimanche dernier. Les Eurobaromètres semestriels de la Commission européenne montrent une baisse continue de la confiance dans les institutions politiques européennes, reflet d'une tendance similaire au niveau national, dans une France où de nombreux citoyens se tournent vers le RN, après avoir soutenu pendant des années une classe politico-médiatique dans laquelle ils n’ont plus confiance.

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