Le RN n'a toujours pas soigné son syndrome de l’écu

Le RN n'a toujours pas soigné son syndrome de l’écu

Aussi balbutiant sur les questions énergétiques que Marine Le Pen en 2017, lorsqu’elle abordait différentes monnaies, le président du Rassemblement National (RN) est le grand perdant du débat l’ayant opposé au Premier ministre Gabriel Attal, fin connaisseur des questions liées au commerce et à l’électricité.

Oscar Tessonneau

Un prix européen

Dans le débat électrique qui opposait hier soir Gabriel Attal et Jordan Bardella, la question du marché de l'électricité fut au cœur des échanges. En digne héritier des Le Pen, Bardella a introduit le débat par de longues diatribes sur les politiques actuelles, en affirmant : "La réforme que vous mentionnez du marché européen de l'électricité ne fera pas baisser les factures des Français... Vous empêchez aujourd'hui les familles françaises de bénéficier des fruits de notre production nucléaire." En réponse, Attal a défendu et mis en avant les efforts de son gouvernement pour "découpler le prix de l'électricité du prix du gaz et intégrer le prix du nucléaire", soulignant que ces changements sont conçus pour réduire les coûts à long terme. Un terme est important à retenir dans cette déclaration du Premier ministre, celui de découplement. Aujourd’hui, grâce à une moyenne pondérée, les découplements permettent de fixer un prix de l’électricité européen, quelles que soient les ressources utilisées pour produire cette dernière : le gaz, l’énergie nucléaire ou les énergies renouvelables. Selon la base de données RePowerEU, les prix moyens fixés sur les marchés de gros européens sont d’environ 180 euros/MWh. Ainsi, quelle que soit la ressource utilisée pour produire de l’électricité, que ce soit le gaz allemand ou les centrales nucléaires françaises, le prix européen d’un Mégawattheure reste fixé sur une moyenne pondérée définie à la bourse de Rotterdam. Cette approche, consistant à fixer les prix de l’électricité à partir des coûts marginaux que chaque État doit gérer pour produire son électricité, est cruciale pour comprendre le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella sur l’électricité française, une électricité produite grâce à un mix énergétique dépendant massivement des centrales nucléaires.

Les défis français

Dans un chapitre de son essai consacré aux prix de l’électricité, l’économiste Jacques Percebois met en lumière les défis auxquels la France doit faire face, notamment l'affaiblissement potentiel de sa capacité nucléaire dû à des décisions politiques. Hier soir, Jordan Bardella a longuement abordé cette question, sans préciser que les prix de l'électricité, évalués au Mégawattheure étaient fixés par une moyenne européenne depuis 2022. Plongé dans un raisonnement défectueux, mais si peu étonnant au vue du nombre d'heures qu'il a passé à étudier des politiques européennes depuis 2019, Jordan Bardella aurait souligné une « soi-disant » dépendance de la France à des énergies allemandes créées à partir de gaz beaucoup plus chers. "Je crois que la présidente de la Commission européenne encore récemment a indiqué que ce sont des droits de douane qui pourraient être relevés," ajoutait Bardella hier soir, lorsqu’il s’enfonçait dans ses raisonnements défectueux. Hors, Ces coûts de production sont harmonisés depuis plus de deux ans par la Commission européenne. Gabriel Attal a profité de ce moment de faiblesse pour rappeler que sur le plan énergétique, le groupe Renew et son gouvernement ont soutenu une réforme du marché européen de l'électricité ayant fixé un prix moyen stable sur les marchés de gros : "Pour le marché européen de l'électricité, on s'est battu depuis des mois et ça faisait des années que la France se battait pour ça. Pour obtenir une réforme qui nous permet enfin de découpler le prix de l'électricité du prix du gaz, et d'intégrer le prix du nucléaire," insiste Gabriel Attal. Ainsi, leurs échanges ont reflété les grandes lacunes de Jordan Bardella sur les questions commerciales et énergétiques.

Dès qu’elles ont été abordées, les débats ont vite tourné en faveur de Gabriel Attal, qui défend ardemment le plafonnement des prix de l’électricité à partir des prix fixés dans la base de données RePower EU. Dans son essai consacré au prix de l'électricité, Jacques Percebois écrit que cette réforme du marché européen va également protéger les Français, puisqu’ils pourront acheter une électricité produite avec du gaz ou du nucléaire au même prix. "La part du gaz dans la génération électrique est plus forte en Allemagne qu'en France, ce qui rend les interactions transfrontalières particulièrement coûteuses pour les finances publiques françaises."

Une gestion méticuleuse nécessaire

Néanmoins, Jacques Percebois précise que ce modèle nécessite cependant une gestion méticuleuse. En effet, il écrit que les États européens doivent s'assurer que les coûts fixes des infrastructures énergétiques, françaises ou allemandes, soient toujours couverts. En intégrant cette approche, Percebois explique que l'Union européenne pourrait potentiellement réaligner sa stratégie énergétique pour offrir une électricité moins chère sur l’ensemble du continent. "Avec un parc où les énergies renouvelables (ENR) et le nucléaire dominent, le modèle économique doit évoluer vers des mécanismes qui valorisent la disponibilité et la capacité plutôt que le coût marginal », écrit Percebois, suggérant une transformation radicale du marché de l’électricité européen. Selon les données du programme européen, la production d'électricité de l'UE pourrait voir une augmentation significative des énergies à faible coût marginal comme le nucléaire, le solaire ou les éoliennes en mer, atteignant 75% d'ici 2040. Percebois écrit que cette évolution pourrait être soutenue par des mécanismes tels que les contrats pour différence ([CfD], ou des systèmes de rémunération basés sur les capacités d’un état à produire de l’électricité à partir de son gaz ou de ses centrales nucléaires plutôt que sur l'énergie produite. "Ces mécanismes assureraient une rémunération stable pour les producteurs tout en fournissant de l’électricité à un coût prévisible pour les consommateurs," écrit Percebois.

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