Le poids des affaires : Jean-François Jalkh et Jordan Bardella au cœur de la tourmente

Le poids des affaires : Jean-François Jalkh et Jordan Bardella au cœur de la tourmente

En 2015, Jordan Bardella devient l’assistant parlementaire de Jean-François Jalkh, un cadre historique du FN connu pour ses propos négationnistes. Ce poste d’assistant lui permet d’être rémunéré pour ses activités au sein du parti lepéniste, où il a monté tous les échelons jusqu’à devenir son président. Bien qu’il fut un militant très apprécié par ses cadres, Bardella était-il un pur collaborateur travaillant sur des dossiers techniques avec des députés fréquentables ?

Oscar Tessonneau

Tout le monde a le droit à l’erreur. Certains disent qu’elles sont plus tolérables en début de carrière, lorsqu’un(e) jeune salarié n’a pas encore gommé toutes ses mauvaises habitudes d’adolescent en pleine construction. Ces erreurs, Jordan Bardella va les commettre peu après son arrivée à l’âge adulte. Il a tout juste 19 ans lorsqu’en février 2015, il franchit une étape décisive dans sa carrière politique. Pas très studieux, le jeune militant préférant les tractages matinaux au cours magistraux devient assistant parlementaire de Jean-François Jalkh, alors député européen pour le Front National. Comme l’écrit Pierre-Stéphane Fort , dans son livre "Jordan Bardella : Le Grand Remplacé" ce travail d’assistant parlementaire est rémunéré à hauteur de 1 200 euros nets par mois pour 17 heures 30 de travail hebdomadaire. Il représente pour Bardella une première immersion dans les coulisses de la politique. Pourtant, cette collaboration entre un parlementaire aguerri et l’étudiant peu studieux, est aujourd’hui au centre d’un scandale qui pourrait légèrement déstabiliser l’ascension fulgurante de Bardella Jean-François Jalkh n’est pas un inconnu dans l’histoire du Front National. Cadre historique du parti, il traîne derrière lui une réputation entachée par des propos révisionnistes sur la Shoah. Comme tout bon proche de Jean-Marie Le Pen, Jalkh n’hésite pas à remettre en cause l’utilisation du Zyklon B dans les chambres à gaz, reprenant ainsi les thèses négationnistes du militant d’extrême-droite Robert Faurisson. Pierre-Stéphane Fort , dans son livre "Bal tragique au Front national" , rapporte que Jalkh aurait déclaré : « Moi, je considère que, d’un point de vue technique, il est impossible d’utiliser du Zyklon B dans des exterminations de masse... il faut plusieurs jours avant de décontaminer un local où l’on a utilisé du Zyklon B. » Fort souligne que ces propos ont fait du premier « chef officiel de Jordan Bardella » une figure controversée du parti, bien qu’il ait toujours nié avoir tenu ces propos.

De faux contrats aux frais du contribuable

Heureusement pour lui, Jordan Bardella n’a pas réellement travaillé avec Jalkh. Hier, Tristan Berteloot, journaliste à Libération , a révélé que des faux documents administratifs avait été créés afin de justifier les activité de Bardella avec Jalkh au parlement européen. Cependant, ces docuements auraient été fabriqués a posteriori. Berteloot écrit qu’il ne que des revues de presse annotées et un agenda. Dans son article, Tristan Berteloot rapporte une conversation entre Paul D., un ancien stagiaire de Jalkh, et plusieurs membres du Front National, dans laquelle Paul D. affirme avoir « créé des faux dossiers pour des assistants qui n’ont jamais travaillé pour le Parlement européen ». Cette déclaration jette une lumière troublante sur la gestion des assistants parlementaires au sein du FN. La réaction de Bardella fut immédiate. Sur le réseau social X, il a réagi avec vigueur aux accusations, les qualifiant de « fausses et diffamatoires » et dénonçant une « tentative de déstabilisation politique ». Il a souligné que ni le Parlement européen, ni la justice française, ni l’Olaf (Office européen de lutte anti-fraude) n’ont soulevé de problème avec le contrat d’assistant parlementaire de Bardella. Hors, son poste d’assistant parlementaire semble incompatible avec ceux qu’il occupe au Front National. Dans son ouvrage "Trente ans au cœur du système Le Pen" , la journaliste Sophie Montel écrit que, tout en restant assistant parlementaire à mi-temps, Jordan Bardella, parvient à devenir assistant local au siège du Front National à Nanterre dès mai 2015, cumulant ainsi deux fonctions stratégiques. Montel se montre plus nuancé sur les qualités professionnelles de Bardella. « Bardella a acquis grâce à son expérience d’assistant une solide maîtrise des dossiers bruxellois, tout en restant proche des cercles décisionnaires du parti. » écrit Montel. Cet apprentissage express des rouages politiques, au cœur même du parti, semble avoir été taillé sur mesure pour ce militant qui se rapproche d’un député européen peu apprécié au FN.

Un patron aux pratiques opaques

La journaliste Sophie Montel ne mâche pas ses mots quand il s’agit de décrire les pratiques internes du parti, en particulier celles orchestrées par Jean-François Jalkh. Dans son ouvrage "Bal tragique au Front national" , elle révèle comment, dans les années 2010, ce dernier jouait un rôle obscur, dans la gestion des affaires du FN au Parlement européen. Les courriers envoyés à Jalkh et à Gerolf Annemans, un autre poids lourd de la fondation ENL (Europe des Nations et des Libertés), sont restés sans réponse, renforçant l’opacité autour de l’utilisation des fonds. Sophie Montel décrit un parti où l’on n’hésite pas à manipuler les informations, à instrumentaliser des personnalités publiques ou encore à contourner les instances officielles du parti pour éviter de rendre des comptes. Cette gestion opaque, orchestrée en grande partie par Jean-François Jalkh, est symptomatique du fonctionnement d’un parti, où l’on n’hésite pas à faire de faux documents pour éviter la moindre polémique. Ainsi, comme l’écrit Pierre-Stéphane Fort dans « Le Grand Remplacé », Jordan Bardella fut propulsé par un député européen ayant des activités opaques au FN. Dans "Bal tragique au Front national", Montel écrit que Jalkh s’est pendant très longtemps occupés de la gestion des comptes de campagne, qui veillent à ce que rien ne déborde. Ce contrôle strict, bien que nécessaire pour maintenir une cohérence dans le parti, semble avoir dégénéré en une série d’abus et de manœuvres douteuses, dans un parti qui fut extrêmement endetté dans les années 2010. Ainsi, l’affaire des assistants parlementaires ne semble être qu’un petit dossier, perdu au milieu d’une pléthore d’affaires révélant les méthodes d’un parti au fonctionnement financier et administratif opaque

 

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