Laurent Berger : un homme de compromis pour rassembler la gauche ?

Laurent Berger : un homme de compromis pour rassembler la gauche ?

Pour l’ancien secrétaire général de la CFDT, tout s'est emballé dès le lundi 10 juin, lorsque Raphaël Glucksmann l’a présenté comme un homme de compromis, apte à prendre les rênes de Matignon en cas de victoire du nouveau front populaire aux élections législatives.

Oscar Tessonneau 

Périurbain

Un an après son départ de la CFDT, Laurent Berger est perçu par certains comme la personne idéale pour incarner la social-démocratie et faire barrage au Rassemblement National (RN), désormais aux portes du pouvoir, au vu des scores que le parti devrait faire dans de nombreuses circonscriptions stratégiques. Dès lundi 10 juin, Raphaël Glucksmann, qui vient de terminer un nouveau scrutin européen avec sa liste Parti socialiste-Place publique, cite le nom de Laurent Berger pour s’installer à Matignon en cas de victoire de la gauche aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet. « Je pense qu’il y a une figure de la société civile qui est capable d’apaiser », lance-t-il sur France 2. « Oui, je pense à Laurent Berger. » Depuis, l’ancien syndicaliste s’était muré dans le silence, ainsi que la plupart de ses proches. « La question ne se pose pas », affirme-t-il le 24 juin au Monde, ajoutant que « le nom de la personnalité qui ira à Matignon est le cadet de mes soucis, aujourd’hui ». Une façon de fermer la porte sans vraiment jeter la clé non plus, pour défendre une réelle alternative sociale et politique. Dans son livre Pour une société du compromis, Berger écrit qu’il croit en une société démocratique, où l’on peut réintroduire la citoyenneté dans les zones rurales et périurbaines. Il souligne que ces zones géographiques, souvent négligées par les politiques publiques, sont le terreau où naît le populisme dans le monde entier. « On a fait de ces gens des propriétaires, donc ils se défendent. Ils ont une propriété, une maison, un chien, une clôture, et effectivement, ils s’isolent, ils ne sont plus insérés dans des réseaux collectifs. » Conscient que ces personnes travaillent en moyenne à 20 ou 30 kilomètres de là où ils habitent, Berger présente, comme l’a fait dimanche la journaliste Béatrice Madeline dans les colonnes du Monde, une société divisée où les copains de travail ne sont plus les copains de quartier. « Sur les ronds-points, les Gilets jaunes disaient : "Ça fait des années que je n’ai parlé à personne." Leur quête d’identité est d’abord une crise du voisinage », écrit Berger.

Racisme soft

L’un des autres points que défend Berger dans son essai est la reconnaissance de l’immigration dans l’espace public. Il affirme : "Au lieu de parler immigration sans cesse, investissons dans l’intégration et la lutte contre les discriminations. Entre les discriminations à l’embauche puis celles au travail, de plus en plus d’entreprises ont compris que leur problème était leur absence de « conformité » avec les couleurs et origines de la société. Maintenant, la difficulté, c’est le passage à l’acte pour faire de la place à tous en leur sein." Pour lui, les discriminations à l’embauche et au travail, dans des secteurs comme les médias où la grande majorité des rédactions, comme les quotidiens Libération et L’Humanité, aménagent peu leurs postes pour les personnes en situation de handicap mental en ne leur proposant pas assez d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières ( ECAP)  sont des défis majeurs que même des syndicats comme le SNJ-CGT ont dû mal à reconnaître. « Leur problème, dit-il, réside souvent dans leur absence de « conformité » avec les couleurs et origines de la société. La véritable difficulté, selon lui, est de "faire de la place à tous en leur sein". Pour Berger, ces discriminations se manifestent également par un « racisme soft », héritage inconscient des valeurs de l’Algérie coloniale. "Les musulmans issus de l’ancien Empire peinent à être considérés comme de « vrais » citoyens. Trois millions de Français descendent des pieds-noirs et environ douze millions descendent des populations colonisées. Il faut le dire (et le marteler) : « C’est la France ! » Et tant qu’on n’aura pas un discours adossé à la conviction que les 20 % de gens qui sont issus directement de cette histoire coloniale vont être le fer de lance du développement de la France en Afrique au XXIe siècle, on ne s’en sortira pas."

Au boulot

Bien qu’il soit progressiste sur les questions de société, Berger reste un défenseur de la valeur travail. Dans son dernier essai, il note que "dans le monde du travail, les salariés manifestent chez nous une insatisfaction beaucoup plus forte que celle que l’on observe ailleurs, y compris chez nos voisins européens, avec des écarts de 20 à 30 points, nourrissant une frustration très franco-française." Cette frustration, exacerbée par la pandémie de COVID-19, pourrait être comblée selon Berger par une réforme fiscale répondant aux mécontentements des classes populaires. "Il faut montrer que l’effort est juste. On ne fera pas l’économie d’une réforme fiscale." Il va même jusqu’à dire que ces choix des industriels comme Sanofi ou Safran, ayant favorisé la délocalisation ou le développement de plusieurs handicaps comme l’autisme dans la ville de Mourenx, ont favorisé la montée du Rassemblement National dans certains territoires. Il persiste à dire que le scrutin du 9 juin est lié à un mal-être dû au sentiment d'avoir perdu la maîtrise de sa vie et à celui d'une vie "au rabais". "Ce sentiment est alimenté par les tensions qui traversent la société et la conviction largement partagée qu’elles sont de plus en plus vivaces", écrit Berger. Face à ce problème, il insiste sur la nécessité d'adopter des discours clairs sur les questions régaliennes, telles que la sécurité ou le respect de la laïcité, sans pour autant se laisser imposer l'agenda de l'extrême droite.
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