L’élève n’a pas dépassé le maître

L’élève n’a pas dépassé le maître

Non candidat sur la circonscription où il était député depuis 2017, à la suite des affaires de violences conjugales qu’il doit gérer dans son couple, Adrien Quatennens, fut souvent décrit comme l'un des plus fidèles lieutenants de Jean-Luc Mélenchon.

Oscar Tessonneau

Montagnards

Vendredi soir, les cadres de La France Insoumise annonçaient leur choix de ne pas investir certains députés que Jean-Luc Mélenchon ne jugeait pas assez fidèles. Très affectif, le triple candidat à l’élection présidentielle avait replacé beaucoup d’espoir en l’un de ses plus proches, ayant renoncé à se présenter suite à ses problèmes conjugaux. Le parcours politique de Quatennens, marqué par une adhésion sans faille à la ligne sociale, écologique et républicaine du Parti de gauche, ainsi qu'à la stratégie de « fédérer le peuple », le place au cœur de la dynamique insoumise dès 2016. Avec sa chevelure de braise et son allure sérieuse, le jeune militant s'est rapidement distingué par son approche méthodique et rigoureuse de la politique, comme l’explique Hadrien Mathoux, journaliste politique à Marianne, dans son livre Mélenchon : la chute. Comment La France insoumise s'est effondrée.

Marqué par l'échec du Front de gauche, Quatennens a été l'un des premiers à critiquer vigoureusement les tentatives d'union traditionnelle des partis de gauche. « La soupe de logos ne convainc plus personne », affirmait-il, dénonçant l'inefficacité des alignements de sigles auprès des électeurs. Sa formule cinglante, qui n’est plus vraiment d’actualité, est devenue emblématique de la volonté de LFI de se démarquer des alliances traditionnelles et de proposer une alternative radicale rappelant celle des montagnards. Parfois comparé à Saint-Just, le jeune député inflexible et soutien indéfectible de Robespierre pendant la Révolution française, une comparaison qui ne doit pas déplaire à cet admirateur de la Convention montagnarde de 1793. Cette rigidité dans la radicalité et ce sérieux apparent trouvent une résonance particulière dans sa relation avec Jean-Luc Mélenchon. Entre l'expérimenté leader de LFI et le jeune député, la relation est quasiment filiale. « Je le revendique : plus encore que politique, j’ai un lien affectif avec Jean-Luc Mélenchon. C’est lui qui a été l’élément déclencheur de mon engagement en politique, c’est lui qui m’a formé. On est dans une relation de conseil mutuel, on avance ensemble », disait le député du Nord, comme le rapporte Hadrien Mathoux dans son livre. Ainsi, pour Mélenchon, Quatennens est un véritable protégé, un « bon élève » qui valorise le maître. Charlotte Girard, une ancienne proche de Mélenchon enseignant le droit public à l’université Paris-Nanterre, confirmait cette dynamique de mentorat : « Jean-Luc a beaucoup d’affection pour Adrien, il le sait fidèle, ça le rassure. C’est un peu sa créature, il y a un côté Pygmalion. Adrien est tellement bon élève, il est très impressionnant et ça valorise le prof ! » confie le journaliste de Marianne dans son essai. Cette proximité forte avec Mélenchon a cependant un corollaire important : tant que le chef des Insoumis ne choisira pas de se retirer, Quatennens ne devrait pas chercher à le supplanter.

En dents de scie

Cependant, cette loyauté absolue est parfois perçue comme une faiblesse. François Cocq, cadre du Parti de gauche, expliquait il y a quelques années à Hadrien Mathoux : « Il fait preuve de loyauté mais c’est presque un loyalisme excessif, qui dessert ce qu’il pourrait porter. » Un autre membre de LFI, proche du couple Corbière-Garrido et de Danièle Simonnet, partage sous couvert d’anonymat cette analyse, ajoutant que cette fidélité sans faille à Mélenchon empêche Quatennens de développer pleinement son potentiel. « Parmi les cadres de LFI, vis-à-vis de Mélenchon, certains sont des ayatollahs. Ils sont prêts à finir à une dizaine dans le bunker quand tout sera rasé et suivront Jean-Luc jusqu’en enfer s’il le faut. Je serais tenté d’inclure Quatennens dedans », explique un autre membre de LFI. Cependant, le talent et la préparation de Quatennens pour la succession montrent qu’il est bien plus qu’un simple suiveur. Sa visibilité médiatique est un autre aspect marquant de sa carrière. Choisi pour représenter LFI lors de plusieurs débats télévisés en prélude des européennes de 2019, Quatennens a su se démarquer, même si cela a parfois suscité des jalousies. « Chez les députés, c’est assez pervers, car les passages médias deviennent un instrument de la concurrence », affirmait Charlotte Girard dans le livre d’Hadrien Mathoux. « Il y a ceux qui passent, ceux qui ne passent pas », rapportait la maître de conférences au journaliste de Marianne. Cette dynamique médiatique complexe a parfois dilué l’énergie des élus insoumis, mais reste essentielle pour la conquête du pouvoir.

 Colère collective

Comme l’écrivait Hadrien Mathoux en 2020, les perquisitions chez Mélenchon et ses collaborateurs en 2018 ont été un tournant pour LFI. Quatennens, fidèle à Mélenchon, défend son mentor : "Je suis incapable de dire comment j’aurais réagi au moment des perquisitions en lieu et place de Jean-Luc. Certes, sur le moment, il n’y avait pas de maîtrise, mais il a décidé en une fraction de seconde de prendre la foudre sur lui, d’assumer pour tous les siens" révèle le journaliste. Cette scène, révélant que Mélenchon peut avoir des écarts de comportement lui portant préjudice, a laissé une image désastreuse de LFI, encore entachée après la non-investiture du couple Garrido-Corbière et de Danielle Simonnet. En effet, la réaction de Mélenchon lors de ces perquisitions où il avait toujours le soutien de Quatennens a été perçue différemment selon les milieux sociaux. "J’étais persuadé qu’il y aurait une réplique énorme, et mon comportement correspond à la force de l’indignation que je crois rencontrer dans la société. Mais cette indignation n’existe pas, sauf dans les milieux populaires à Marseille où je suis acclamé comme un héros. Dans les milieux petits-bourgeois et la classe moyenne, on ne retient que la minute filmée par l’émission", admettait Mélenchon lorsqu’il tentait d’être une sorte d’allégorie de toutes les colères que son électorat pouvait rencontrer contre l’ordre et l’état. Après ces turbulences, nous ne savons pas si Quatennens continuera de s'affirmer comme un acteur clé de LFI, au vu des relations que certains membres du Nouveau Front Populaire (NFP) entretiennent avec Jean-Luc Mélenchon.

 

 

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