IGPN : Le Nouveau Front Populaire (NFP) plaide pour sa suppression

IGPN : Le Nouveau Front Populaire (NFP) plaide pour sa suppression

Dans le cadre de leur programme pour les législatives de juin 2024, l'Union des gauches, rassemblée sous la bannière Front Populaire, a plaidé pour la suppression de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

 Oscar Tessonneau

Les armes défensives

Ce n’est un secret pour personne : les conditions d’intervention des policiers n’ont pas cessé d’être dangereuses. Pour le comprendre, il suffit de consulter le rapport que l’IGPN et l’IGGN ont rédigé en 2014 à la suite de la mort de Rémi Fraisse. Ce document, actant l’interdiction de la grenade OF F1, aborde l’emploi des armes non létales et les stratégies de défense des policiers. Entre 2002 et 2006, le nombre d’infractions révélées par l’activité des services (usage-revente de cannabis, outrages et rébellions contre dépositaires de l’autorité publique, infraction au séjour des étrangers) a augmenté, montrant que la police française cherchait à faire du chiffre, comme pourrait le faire une entreprise privée. À titre d’exemple, les sociologues Fabien Jobard et Jacques de Maillard identifient dans leur ouvrage Sociologie de la police : Politiques, organisations, réformes une augmentation du taux d’élucidation, passé de 26,3 % en 2002 à 34,3 % en 2006, et une baisse de la délinquance générale, de 4 millions de faits enregistrés à moins de 3,5 millions grâce à la politique du chiffre de l’IGPN.  En réalité, ces résultats tiennent à une politique du chiffre et à d’autres réformes, comme le maintien de la police de proximité. Supprimée par Nicolas Sarkozy, le rétablissement de la police de proximité figure dans le programme du NFP. Ces bons résultats ont également été obtenus par l’IGPN grâce à la focalisation de la police sur les délits les plus fructueux en termes de statistiques. « L’amélioration des chiffres tenait en réalité à une combinaison de facteurs exogènes à l’action de la police et de la focalisation par celle-ci de son action sur les délits les plus fructueux en termes de pure arithmétique », écrivent Jobard et de Maillard dans leur manuel. Cette politique est dénoncée par les défenseurs des droits qui soulignent que leurs recommandations de sanctions sont rarement suivies par le ministre de l’Intérieur. De plus, cette politique du chiffre a entraîné la mort de plusieurs Français ayant fait la une des journaux, comme Steve Maia Caniço dont le procès continue à Nantes, et l’activiste Rémi Fraisse.

Non-violence

La focalisation de la police sur les chiffres et les délits par définition immédiatement élucidés a longuement été mise en lumière dans le livre Gazer, mutiler, soumettre de Paul Rocher. L’essayiste indique que les cadres de l’IGPN défendent l’utilisation controversée des grenades "assourdissantes" et des grenades de désencerclement. « L’IGPN et l’IGGN reconnaissent elles-mêmes qu’elles peuvent mutiler ou blesser mortellement », écrit Rocher. Depuis l’interdiction de la grenade OF F1 suite à la mort de Rémi Fraisse, la GLI-F4, présentée noir sur blanc comme une arme dangereuse dans le programme du NFP, est devenue l’arme la plus puissante du maintien de l’ordre français. « Cette arme améliore considérablement la marge de manœuvre de la police », écrit Rocher, la qualifiant de « nécessaire pour le maintien à distance ». Cependant, il précise que cette justification est contradictoire. « Le maintien à distance devrait justement éviter au policier de se retrouver dans une situation difficile dont il voudrait se dégager », note Rocher, tout en donnant des exemples d’affaires tragiques où l’IGPN est intervenue. Parmi elles, il cite l’affaire Steve Maia Caniço, actuellement traitée au tribunal de Nantes. Rocher écrit que lors des événements du 21 juin « les forces de l’ordre appelées pour faire cesser la musique ont lancé plusieurs dizaines de grenades et tiré au LBD 40 ». Au moins 14 personnes sont tombées dans la Loire, dont Steve qui ne savait pas nager. L’IGPN a estimé dans son rapport qu’il « ne peut être établi de lien entre l’intervention des forces de police [...] et la disparition de M. Steve Maia Caniço ». Néanmoins, la semaine dernière encore, l’avocate de la famille de Steve dénonçait un rapport de l’IGPN partiel, sans audition des témoins ni expertise balistique sur la quantité de projectiles tirés.

Agressivité

De nombreux travaux d’enquête montrent qu’il est difficile d’établir un bilan clair de l’action de l’IGPN. Les sociologues Fabien Jobard et Jacques de Maillard identifient quatre critères d’évaluation des instances de contrôle : accessibilité, indépendance, compétences, publicité. « Aucune de ces questions n’est facilement tranchée », notent-ils dans leur ouvrage Sociologie de la police : Politiques, organisations, réformes . En effet, la France, longtemps caractérisée par le monopole des inspections internes, s'est rapprochée de la plupart des pays européens, où une culture de l’omerta persiste. En Angleterre et au Pays de Galles, l’indépendance de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC), introduite en 2004, était signalée par le fait qu’aucun de ses membres ne pouvait être ou avoir été policier. Pourtant, cette indépendance a provoqué un renforcement du secret et de la dissimulation au sein de l’institution policière. Entre 2008 et 2011, l’IPCC a enregistré 8500 allégations de comportements répréhensibles, mais seulement 18 poursuites judiciaires et 13 condamnations pénales ont été obtenues.

Ainsi, les critiques de l’IGPN pointent également son manque de transparence et sa proximité avec les forces qu’elle est censée surveiller. Cette situation soulève des questions sur l’efficacité et la moralité du maintien de l'ordre.
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