En politique, la parité reste un sujet tabou

En politique, la parité reste un sujet tabou

 

 Jeudi matin, le service politique du Parisien révélait que lors des dernières élections législatives, la parité femmes-hommes a subi un recul significatif lors des investitures. En effet, aucun des principaux blocs politiques ne respecte pleinement la parité.

Oscar Tessonneau

Sous-représentées

Jeudi soir, les téléspectateurs de France Télévisions étaient invités à regarder le dernier débat entre les trois grandes forces politiques représentées lors des élections législatives. Tout opposait ces trois acteurs de la vie politique française. Tout, sauf une chose. Pour voir une femme sur le plateau de télévision, il fallait attendre que la caméra tourne et fasse un gros plan sur les deux journalistes de la chaîne : Astrid Mezmorian et Caroline Roux. Ce total manque de parité lors du débat révèle un phénomène plus global. Jeudi matin, Le Parisien révélait que sur les 4 011 candidats enregistrés par le ministère de l'Intérieur, 2 362 sont des hommes et seulement 1 649 des femmes, soit 41,1 % du total contre 44,1 % en 2022. Le Nouveau Front Populaire (NFP) s'en tire avec 47,6 % de candidates, alors qu'en 2022, l'alliance Nupes respectait la parité avec 50,8 % de femmes investies. Seuls les écologistes, les communistes et La France insoumise ont respecté la parité dans leurs investitures. Le problème ne date pas d’hier. En 2023, il fut longuement analysé par l'experte de la fondation Jean Jaurès, Amandine Clavaud. Dans son ouvrage Droits des femmes : le grand recul, l’essayiste souligne que, bien que les femmes représentent la moitié de la population mondiale et qu'elles aient été aux avant-postes dans la gestion de la crise sanitaire, elles restent largement sous-représentées dans les processus de décision. « Au niveau mondial, les États ont mis en place des groupes de travail pour coordonner les mesures à mettre en œuvre : sur les 115 comités constitués dans 87 États incluant 17 États membres de l'UE, 85,2 % sont composés principalement d'hommes, 11,4 % sont composés de femmes, seuls 3,5 % ont la parité et 81,2 % sont dirigés par des hommes. » En Europe, cette sous-représentation est encore plus frappante dans les instances politiques.

Recul

Pourtant, Clavaud écrit que des outils existent pour renforcer la parité. Elle mentionne la stratégie "égalité femmes-hommes (2020-2025)", le Fonds social européen doté de 99,3 milliards d'euros, et le plan d'action pour l'implémentation du pilier européen des droits sociaux. Ces initiatives visent à améliorer la représentation des femmes dans les instances de décision et à combler les écarts économiques et sociaux. Cependant, l’essayiste note que les mesures mises en place sont souvent orientées vers des secteurs majoritairement masculins, comme la transition écologique et numérique. « Force est de constater qu’en effet les femmes ont été les grandes oubliées des plans de relance où les mesures ne traitent pas spécifiquement de l’impact différencié que la crise a eu sur l’emploi pour elles », écrit-elle. Face à cette situation, Clavaud insiste sur l'importance de recueillir des données genrées pour mieux comprendre les effets de la crise sur les femmes et les hommes. « L’ensemble des institutions mobilisées au niveau international, européen et national sur les questions d’égalité femmes-hommes insiste sur l’absolue nécessité de recueillir des données genrées », souligne-t-elle.

Égaconditionnalité

Amandine Clavaud précise qu’en France, le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes a appelé à recourir au principe d'« égaconditionnalité » dans la mise en œuvre des plans de relance. L’essayiste critique que l’égaconditionnalité permet de conditionner la mise en œuvre de l’égalité à des financements dédiés aux droits des femmes et à une « budgétisation sensible au genre ». Néanmoins, elle souligne que, malgré les nombreuses initiatives pour promouvoir l'égalité, les femmes restent largement sous-représentées dans les postes de décision. « Il aura fallu dix ans pour que la directive dite "Women on boards" soit enfin adoptée en novembre 2022 », écrit-elle. Cette directive stipule que d’ici 2026, les entreprises de plus de 250 salariés cotés en bourse dans l’UE devront avoir 40 % de femmes pour les postes non exécutifs ou 33 % sur l’ensemble des postes dans leur conseil d’administration. Ainsi, pour que ces initiatives aient un impact durable, Clavaud écrit que les États et les institutions européennes doivent mobiliser des ressources. Malgré ces initiatives, la régression observée lors des investitures législatives de 2024 montre que le chemin vers l'égalité est encore long. Ainsi, Les propos de Clavaud résonnent avec les chiffres alarmants. Le manque de parité dans les candidatures politiques est un reflet des inégalités structurelles qui persistent dans notre société. Cette dernière pourrait en effet devenir plus inclusive pour les femmes ou les personnes en situation de handicap grâce à des règles strictes. Afin de changer la donne, il est essentiel que les partis politiques adoptent des mesures plus ambitieuses et que les gouvernements mettent en place des politiques publiques rigoureuses pour garantir une représentation égale des femmes dans toutes les sphères de décision. La route vers l'égalité est encore longue, mais avec des efforts concertés et un engagement réel, des progrès significatifs peuvent être réalisés.

 

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