En France, les adolescents en situation de handicap mental sont pollués par les écrans

En France, les adolescents en situation de handicap mental sont pollués par les écrans

Mardi 30 avril, les auteurs du rapport "Enfants et écrans, À la recherche du temps perdu" rencontraient la presse à l’Hôtel de Marigny. Ils sont longuement revenus sur les effets toxiques de l’industrie pornographique, à laquelle des jeunes ayant un trouble du neurodéveloppement ont accès avant même d’avoir leurs premiers rapports intimes.

Oscar Tessonneau

Un vieux danger

En France, un adolescent sur trois âgé de 11 à 18 ans a été exposé à des scènes de pornographie, ce qui représente 36 % de cette tranche d’âge. Cette statistique n'est pas simplement un chiffre ; elle représente les effets d’une industrie vicieuse pouvant détruire l’éducation sexuelle de jeunes en situation de handicap mental. Quels que soient leurs troubles de l’interaction sociale ou du comportement, ces adolescents extraordinaires peuvent être confrontés à des vidéos inappropriées et perturbantes, souvent accessibles via de simples recherches internet ou même des pop-ups inattendus, même lorsqu’ils sont diagnostiqués autistes ou qu’ils présentent d’autres troubles du comportement. Interrogée sur la messagerie cryptée Signal, Lénaé, militante chez Cleautiste, partage ce constat : « L'addiction se manifeste quand le mécanisme de récompense du cerveau, normalement utile pour nous orienter vers le bien, se dérègle. » La jeune fille conclut que l’addiction des autistes au X est un phénomène d’une grande complexité. Elle indique qu'il est crucial d'en prendre conscience, et d’aider les hommes ayant des troubles de l’interaction sociale à trouver d’autres récompenses sexuelles. « Je crois, précise-t-elle, qu'il est essentiel de comprendre les rouages de l'addiction et de chercher de l'aide auprès d'experts ou de groupes de soutien. Des groupes existent, notamment dans la communauté gay pour des addictions spécifiques comme le chemsex, mais sûrement aussi ailleurs. » Néanmoins, les constats de la militante ne proposent aucune solution pour aider ces adolescents visionnant du porno sur un ordinateur ou un smartphone. En effet, les auteurs du rapport "Enfants et écrans" révèlent que 75 % des contenus pornographiques visionnés par les mineurs le sont sur des téléphones portables, ce qui accentue le défi de contrôler cette exposition.

Les médecins alertent

Un psychiatre parisien formé aux TSA nous offre une perspective contrastée par rapport à celle de Lénaé, et déplore les dérives qu’a récemment pris cette industrie. « Bien qu'ils soient minoritaires, puisque dès l’adolescence, les coming-outs et transitions de genre sont courants parmi les jeunes autistes masculins, leur vision de la sexualité a été gravement altérée par les films X, où la violence est omniprésente. » Conscient que beaucoup d'adolescents neurodivergents adoptent les codes sociaux par "mimétisme", ce psychiatre souhaitant rester anonyme nous indique que leurs parents doivent absolument les protéger face aux contenus pornographiques, surtout lorsqu’on apprend que l’âge moyen de consommation baisse d’années en années. "La baisse de l'âge moyen de première exposition à la pornographie de 14 à 10 ou 11 ans en quelques années est un indicateur alarmant de la présence omniprésente de ces contenus dans l'environnement numérique des jeunes. » écrivent les auteurs du rapport "Enfants et écrans, À la recherche du temps perdu". Ils précisent que ces rencontres ne sont souvent pas intentionnelles, et peuvent survenir lors de l'utilisation normale d'internet, sur laquelle nous sommes revenus avec une adolescente ayant eu un rapport avec l’un des camarades de classe ayant des troubles du neurodéveloppement.

L’image avant l’action

Lors d'une rencontre dans un café du 11ème arrondissement, Mathilde*, une jeune femme de 15 ans ans nous a partagé sa difficile expérience avec un individu ayant des troubles comportementaux. « Tout semblait normal au début. Mais rapidement, sa demande s'est basée sur des scènes qu'il avait vues dans des films pornographiques, ou des comédies graveleuses. » Elle nous mentionne des références spécifiques à certains films et séries. « Mon partenaire m’a expliqué qu’il s’était éduqué sexuellement en regardant les scènes d’un film de Riad Sattouf (Les Beaux Gosses), où Vincent Lacoste se masturbe devant un magazine La Redoute, et le premier épisode d’American Pie où Stiffler se fait faire une fellation sous la table de son salon par une camarade de lycée. » A ce moment, Mathilde* comprend que son partenaire autiste du même âge est addict au porno.

Elle met vite un terme au rapport, puisqu’elle se sent en danger. Elle réalise que son partenaire en situation de handicap mental fait partie des 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques chaque mois en France. Dans leur rapport, Carole Bousquet-Bérard et Alexandre Pascal précisent qu’ils seraient presque 10 % des adolescents français consommeraient du porno. Ces chiffres soulignent une crise de surveillance et de contrôle des contenus accessibles aux jeunes. Ils questionnent la violence des rapports sexuels qu’ils peuvent entretenir, lorsqu’ils voient des films pornographiques avant même de perdre leur virginité. Le lendemain, Mathilde reçoit un texto de son partenaire le lendemain pour lui expliquer la situation. « Il me fait comprendre par message qu’il est tombé addict au porno vers 16 ans, et qu’il se masturbe quatre fois par jour sur des films ayant toujours le même scénario : fellation puis sodomie avec des caméramans filmant les parties intimes du corps de la femme. A ce moment, je comprends que ses troubles autistiques l’ont empêché de voir tout ce qu’il y avait de plus vicieux dans le porno, et qu’il faisait peu de différence entre les films et la réalité.»

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