Fantomas n'est plus caché

Fantomas n'est plus caché

Après avoir masqué sa proximité avec les droites les plus décomplexées durant de nombreuses années, Éric Ciotti vient d’annoncer sur le plateau de TF1 sa volonté d’unir des droites qu’il tente de réconcilier depuis 2016.

Oscar Tessonneau

Mr Hyde

À 13h sur TF1, le président des Républicains, Éric Ciotti, annonce souhaiter une alliance avec le Rassemblement National. « Il y a la nécessité de servir le pays qui est en danger », explique-t-il en préambule. Le président des Républicains évoque notamment « l’alliance contre nature avec les Insoumis » qui, d’après lui, « portent aujourd’hui des idées extrêmement dangereuses » qui « frôlent l’antisémitisme ». « LR aujourd’hui est trop faible pour s’opposer aux blocs les plus dangereux », regrette-t-il. Pour cette raison, il estime que les membres de son parti ont « besoin d’une alliance en restant [eux]-mêmes ». Alors qu’il vient d’annoncer au 13 heures de TF1, son souhait de créer une alliance avec le contre l’avis d’une grande partie d’Olivier Marleix et des cadres de son parti, Éric Ciotti a tout de suite exclu de démissionner de son poste de président, même si les chefs de file des Républicains à l’Assemblée et au Sénat, Olivier Marleix et Gérard Larcher, ont tout de suite condamné sa proposition d’alliance. Avant l’interview d’Éric Ciotti sur TF1, Larcher avait assuré devant les sénateurs Les Républicains qu’il « n’avalisera jamais » un accord avec le Rassemblement National prôné ce midi par le patron de LR, Éric Ciotti. Ce tournant politique de Ciotti ne surprend pas totalement ceux qui ont observé ses manœuvres passées. Comme l’écrit Mathieu Goar, Éric Ciotti tire parti de sa volonté d’unir les droites dès les présidentielles de 2016 : « Rien de tel qu’un bon déplacement à Nice pour lancer l’ultime semaine de campagne avant le premier tour. Malgré la poussée du FN, les Alpes-Maritimes sont toujours restées fidèles à la droite républicaine. » écrivait-il lors de la campagne présidentielle de 2016 sur X. Après un déjeuner à La Petite Maison, une des adresses préférées d’Éric Ciotti à Nice, François Fillon est accueilli par une cinquantaine de partisans sur le port. La star politique de la ville, Christian Estrosi reste en retrait. Les images sont glaciales. Le président de la région est un des nombreux ténors à traîner des pieds lors de cette campagne. Et François Fillon traite assez mal ce sarkozyste historique. Il ne le soigne pas et s’appuie sur son concurrent local, Éric Ciotti.

Fin tacticien

En bon politicien, Éric Ciotti tente de faire oublier les manœuvres qu’il entreprend depuis 2016 pour unir les droites. Dans un essai sorti en 2017, le journaliste du Monde, Mathieu Goar, décrivait déjà ses petites manœuvres. En 2017, lors de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle, Éric Ciotti et Laurent Wauquiez, avaient refusé de donner une consigne de vote en faveur d'Emmanuel Macron. "À ce moment, à l’entre-deux-tours, rien n’était complètement joué," se souvient Mathieu Goar. "Le candidat d’En Marche ! faisait preuve d’arrogance en fêtant déjà sa victoire à La Rotonde, le soir même du premier tour, et Marine Le Pen avait réussi à enclencher une forme de dynamique avec le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan. Il fallait trancher, choisir, avoir le courage de se prononcer sans ambiguïté pour Emmanuel Macron." L'incapacité de Ciotti à se positionner clairement contre le RN avait déjà semé des graines de discorde. Dans un autre contexte de panique générale, Goar écrit que "dès le 2 février, Éric Ciotti dit tout haut ce que beaucoup pensent à droite. Selon lui, c’est Emmanuel Macron qui 'profite de cette situation'. Les éléments qui sortent, les contrats, les chiffres […], il n’y a qu’un lieu où tous ces éléments sont recensés de manière exhaustive, c’est à Bercy," assure l’actuel président des Républicains sur France Info.

L’affaire Jouyet

Dans cet entretien sur France Info, Éric Ciotti va jusqu’à affirmer, sans preuves, que Jean-Pierre Jouyet, un haut fonctionnaire s’étant rapproché d’Emmanuel Macron serait à l’origine des révélations sur Penelope Fillon, y voyant un moyen pour le secrétaire général de l’Élysée de faire élire son champion. Éric Ciotti n’est pas seul à camper sur cette ligne complotiste. Plusieurs proches de François Fillon relaient la même théorie. « Je suis persuadé que ça vient de l’Élysée », lance le député Bernard Debré le même jour sur [Public Sénat , disant avoir mené sa petite « enquête ». « J’ai dans le viseur le juge Nadal [président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, bien entendu. Il a été nommé par François Hollande pour cela, ainsi que d’autres. » Le 3 février, au tour de Bernard Accoyer. « Tout indique que cela vient de nos adversaires politiques, c’est-à-dire de la gauche », déclare le secrétaire général de LR au Figaro se disant lui aussi convaincu que les services de Bercy sont à la manœuvre. Comme le rappelle Goar, les accusations formulées la veille par Ciotti « ne manquent pas de solidité ».  Néanmoins, le principal virage de Ciotti fut probablement effectué en 2021, lorsqu’Éric Zemmour est entré en politique. Dans son enquête intitulée "Eric Zemmour : autopsie d'une déroute électorale", Marylou Magal, journaliste politique à L’Express et autrice d’un travail très remarqué sur les jeunes d’extrême-droite, voit déjà cette tendance, au vu des nombreux échanges que des jeunes LR comme Guilhem Carayon ont avec Hiliaire Bouyé, Stanislas Rigault, et d’autres Genz. « Le ralliement d’Éric Ciotti, également, fait rêver le premier cercle du polémiste. Début septembre, ce dernier est même allé jusqu’à déclarer, au micro de RTL qu’il voterait très clairement pour Zemmour, en cas de duel avec Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. » Mais depuis, aucun signe de rapprochement.

 

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