Décentralisation : les préconisations d’Éric Woerth pour simplifier le millefeuille administratif français

Décentralisation : les préconisations d’Éric Woerth pour simplifier le millefeuille administratif français

Afin de rétablir la confiance entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens, Emmanuel Macron a sollicité le député de l’Oise Éric Woerth, afin qu’il élabore un nouveau rapport sur la décentralisation. 

Oscar Tessonneau

Efficacité

« Il nous faut promouvoir un climat politique dans lequel l’État, les collectivités territoriales et les citoyens se tiennent en estime, respectent l’autonomie de décision de chacun et trouvent des espaces de discussion. » Ce constat d’Éric Woerth, rapporté dans un entretien au Monde, montre à quel point les proches du chef de l’État souhaitent réformer l’administration française avec des réformes efficaces. La sortie de ce rapport était prévue depuis longtemps. Depuis 2022, de multiples cadres de concertation sont institués. Dans un ouvrage consacré aux collectivités territoriales, le professeur émérite de philosophie Philippe-Jean Quillien écrit que les rencontres avec Élisabeth Borne avaient eu lieu pour définir ce nouvel « agenda ». « Dans le prolongement des rencontres de Saint-Denis lancées le 30 août 2023, le Président de la République confie à l’ancien ministre, député et maire Éric Woerth une mission relative à la décentralisation », rapporte Quillien. Élaboré pour que les Français retrouvent confiance dans leurs institutions, ce rapport est basé sur des propositions fortes, comme la suppression du non-cumul des mandats, une proposition qui franchit une ligne rouge pour de nombreux macronistes. « Il manque un continuum entre politiques nationales et locales », indique Woerth dans un entretien donné au même quotidien, justifiant ainsi le retour du député-maire. Il propose également de réintroduire le statut de conseiller territorial, afin qu’il n’y ait plus qu’un seul élu représentant les deux collectivités les plus importantes du territoire : la région et le département. « Nous devons créer un lien plus direct entre les différents niveaux de gouvernance pour améliorer la visibilité et l'efficacité des élus », insistait Woerth, dans un entretien donné à la presse. Il précise que cette révision inclut aussi un redécoupage des cantons pour permettre la mise en place de scrutins avec une parité homme/femme sur tous les postes de conseillers départementaux et régionaux. Comme il l’indiquait à la publication, Woerth envisage la mise en place d’un système de pénalités financières pour les partis ne respectant pas cette parité. Ces réformes s’inscrivent dans les [grands chantiers lancés par Emmanuel Macron depuis 2017, afin que le millefeuille administratif français fonctionne mieux.

Un État girondin

Dès juillet 2017, Emmanuel Macron avait mis en place une Conférence nationale des territoires, conçue comme un lieu d’échanges et de concertation entre l’État et les collectivités territoriales, afin de « conclure avec nos territoires de vrais pactes girondins », rapporte Quillien dans son livre *Tout savoir sur les collectivités territoriales*. Il précise que ce pacte fut structuré autour d’une suppression progressive de la taxe d’habitation et l’institution des « contrats de Cahors » visant à encadrer les dépenses de 321 collectivités territoriales et EPCI-FP. « 13 milliards d’euros devaient être économisés d’ici 2022, un objectif contesté par les associations d’élus locaux, qui dénoncent leur caractère autoritaire et recentralisateur », indique Quillien dans son ouvrage. Ce dernier précise que depuis le début du dernier quinquennat, les députés profitent de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale et de la recherche du soutien des élus locaux, limitant beaucoup la marge de manœuvre du président. Ce dernier souhaite utiliser le rapport Woerth pour affaiblir un peu plus le PS, presque à égalité avec la liste de Valérie Hayer dans les sondages, et Les Républicains qui restent très bien ancrés dans les territoires grâce à leurs élus locaux : « La majorité veut nous refaire le même coup qu’en 2023, lorsqu’ils ont soutenu les pactes de confiance destinés à encadrer les dépenses de 500 collectivités territoriales. Leur but est de réduire les compétences de collectivités, où les décisions sont prises par beaucoup d’élus anti-macronistes, pour redonner plus de pouvoir aux préfets et à des hauts fonctionnaires impartiaux. » nous indique un conseiller départemental socialiste, atterré par les coups portés par l’exécutif afin de détruire un clivage UMPS encore visible dans les collectivités territoriales.

Des réformes sociales attendues

Éric Woerth, selon des informations rapportées par des journalistes du Monde, prône une vaste remise à plat des politiques sociales sous l’autorité du département. « L’État doit revenir dans le jeu », pense l’auteur du rapport, en définissant les objectifs et en garantissant un financement suffisant des politiques sociales liées au grand âge, ou aux aides pour les personnes en situation de handicap. « L’État devrait prendre en charge le financement, les autorisations et la tutelle des Ehpad », précise Woerth, laissant au département le soin de se concentrer sur l’accompagnement à domicile. Pour le Revenu de Solidarité Active (RSA), il préconise également une recentralisation, afin que les départements délèguent cette politique à l’État. Des élus ont même laissé entendre que d’autres politiques sociales, comme l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), seraient, comme le RSA, désormais gérées par l’État. Enfin, les régions seraient responsables de la planification de la transition écologique, de la structuration de l’action économique, et devraient s’investir davantage dans l’enseignement supérieur et l’orientation scolaire. Enfin, en matière de financement des collectivités, Woerth propose de revisiter les mécanismes actuels en attribuant à chaque collectivité une part d’impôt national liée à ses compétences. A titre d'exemple, le bloc communal, qui perçoit aujourd’hui la taxe foncière, recevrait l’essentiel des droits de mutation à titre onéreux, avec la possibilité de fixer le taux. Les départements, quant à eux, bénéficieraient d’un pourcentage de la Contribution Sociale Généralisée (CSG).


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