Avant le chaos

Avant le chaos

Le 18 juin 2024, le Président de la République présidera la cérémonie de commémoration de l'appel historique au Mont Valérien, accompagné du Premier ministre Gabriel Attal et de la secrétaire d'État Patricia Miralles.

Oscar Tessonneau

Tranquillité

Mardi matin, Emmanuel Macron semblait détendu. Tandis qu’il embrassait le cuir chevelu de certains élèves d’école primaire, le président semble détenir un pouvoir de guérir les écrouelles et autres douleurs des Français par simple contact.  Selon la légende, rapportée par le philosophe Thomas d'Aquin, cette pratique remonterait à Clovis. Mais d'après l'historien Marc Bloch, Clovis n'a jamais guéri la moindre douleur. Emmanuel-Macron et ses proches seront peut-être plus performants, dans cet exercice consistant à guérir les maux des Français, afin d’éviter que la situation ne dégénère comme en juin 40. Actuellement, il peut compter sur des alliés de taille, comme les gaullistes Gérard Larcher, et Nicolas Sarkozy. Mardi, la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau semblait ravie de rencontrer. « Ce fut un honneur » affirma cette dernière, lorsque l’ancien président de la république assis à ses côtés, s’en alla. Ainsi, bien qu’ils soient épuisés et désorganisés, les meilleurs soldats d’Emmanuel Macron ne semblent pas encore en retraite. Tous affirmer qu’ils livreront jusqu’au premier tour des législatives un combat intense contre leurs opposants politiques. Dans son ouvrage 18 Juin 1940, l’historien Henri Amouroux décrit une scène où les officiers, contraints par les ordres gouvernementaux, rassemblent et cadenassent les armes, laissant leurs troupes attendre l'ennemi. Le matériel militaire moderne de l’armée française fut détruit à la frontière belge. À Guingamp, Pontivy, Lorient, et Morlaix, des villes proches de celles où Emmanuel Macron se rendra mercredi lors de son déplacement en Bretagne, des officiers comme le capitaine Francis Ambrière, évoqué par Amouroux, méditaient de rendre leurs troupes "en ordre militaire". Il ajoutait : "Je ferai porter déserteur et condamner par le Conseil de guerre quiconque ne se rendra pas à mes ordres de rassemblement."  Les récits comme ceux du capitaine Ambrière sont nombreux. La Commission d'enquête sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 a révélé des conclusions troublantes sur les hauts-gradés souhaitant capituler. Des chefs militaires ont justifié leurs actes en affirmant qu'ils ne faisaient qu'interpréter les ordres gouvernementaux. Un télégramme du 17 juin, confirmé le 18, interdit en effet aux généraux de permettre tout repli des autorités civiles et militaires. Néanmoins, Amouroux écrit que le 18 juin reste un jour où la Luftwaffe domine les airs, puisque les Panzers bloquent les routes. L’armée française, mêlée aux réfugiés, se retrouve sans espoir. Les routes sont si engorgées qu'il faut vingt-quatre heures aux armées françaises pour parcourir seulement 20 km. Depuis le 11 juin, le commandement ne dispose plus de renforts et doit amalgamer les débris des unités échappées au désastre pour les relancer dans la bataille. La captivité devient une tentation.

L’appel

Le général Charles de Gaulle, fraîchement nommé sous-secrétaire d'État à la Défense nationale et à la Guerre, refuse de céder au découragement général. Depuis Londres, il lance un appel historique à la résistance sur les ondes de la BBC : "La flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas." Son appel devient le symbole de la résistance française. Lorsqu’il est prononcé, la France est un pays déchiré. La réalité de la guerre coexiste étrangement avec des actes de vie quotidienne. Alors que l'annonce de la demande d'armistice et la décision de ne plus défendre les villes de plus de 20 000 habitants achèvent de briser la volonté de nombreux Français, d'autres continuent à vivre comme si de rien n'était.

Sang-froid

Henri Amouroux, dans son livre *18 Juin 1940*, souligne ce paradoxe en décrivant des scènes où les autorités tentent de maintenir un semblant d'ordre et de normalité. Il écrit : "Les rapports de police signalent que la population garde son sang-froid." Le 18 juin, dans les Bouches-du-Rhône, M. Léon Bon, sénateur et président du conseil général, reçoit une notification autorisant un certain M. C. à ouvrir un commerce de fleurs. Le quotidien local, *Marseille-Soir*, publiera même le 18 juin des publicités pour des séjours de vacances à Nans-les-Pins dans le Var, à Goncelin-en-Isère, et à Sainte-Maxime.  Cette légèreté n’empêchera pas le ministre de la Guerre de donner des directives claires aux Français. Il déclare : "La nuit dernière, le ministre de la Guerre et moi-même avons donné l’ordre aux généraux commandant les régions et aux préfets d’arrêter inexorablement tout nouveau départ de population." Mais ces ordres sont souvent ignorés ou impossibles à appliquer, les préfets et généraux ayant eux-mêmes souvent quitté leurs postes, incapables de gérer une population en fuite.

Néanmoins, c’est dans ce contexte étrange que des décisions cruciales pour l’avenir du pays sont prises. Elles se succèdent dans un contexte de confusion. À Lyon, Édouard Herriot, président de la Chambre des députés et maire de la ville, obtient que Lyon soit déclarée ville ouverte, à l'instar de Paris, pour éviter sa destruction. « À minuit et demi, dans la nuit du 17 au 18 juin », écrit Amouroux, « Herriot reçoit un appel du préfet du Rhône, Bollaert, décrivant l'approche des Allemands et l'émotion d'une ville en alerte. » Ainsi, alors que certains continuent leur routine, d'autres, comme le général de Gaulle, prennent des initiatives historiques. Depuis Londres, il lance son appel à la résistance, déclarant : "La flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas." Cet appel devient un symbole de la détermination et de l'espoir, un rappel que même dans les moments les plus sombres, il reste des raisons de lutter.

 

 

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