A l’école pratique du journalisme (IPJ), les troubles du neurodéveloppement (TND) sont un réel handicap

A l’école pratique du journalisme (IPJ), les troubles du neurodéveloppement (TND) sont un réel handicap

Réputée pour être l’une des meilleures écoles de journalisme de France, formant nos élites médiatiques qui commenteront les actualités de demain, l’école, soi-disant « inclusive », établit un concours d’entrée sans aménagement concret pour les personnes ayant de réelles difficultés visuelles et praxiques.

Oscar Tessonneau

Aucun aménagement

En se rendant sur le site Expertes.Fr, recensant l’ensemble des femmes défendant toutes les formes de progrès social, on pourrait laisser entendre que l’IPJ, l’école de journalisme de l’Université Paris-Dauphine, est sensible aux sujets liés à l’inclusion. Pascale Colisson, en charge de la mission égalité, a même conduit l'école à l'obtention du label Diversité-Égalité, validé par l'Afnor en 2014 et confirmé en 2018. Néanmoins, l’un des points fondamentaux que ce membre de l'Observatoire de la diversité du CSA, agissant pour que les médias améliorent leurs stratégies inclusives, est qu’elle ne propose aucune solution concrète pour des candidats ayant d’importants troubles visuels, moteurs ou praxiques. Lorsque nous la contactons pour aborder les aménagements, dont auraient besoin certains candidats suivant par des ergothérapeutes et autres psychomotricien(nes) depuis leur plus jeune âge, elle nous renvoie vers le référent handicap du master 1, Stéphane Béchaux, qui nous indique que le concours est anonyme, et qu’il est impossible d’offrir plus d’aménagements aux étudiants en situation de handicap. Ces dernières sont complètement laissés au dépourvu lorsqu’ils constituent leurs dossiers d’examen et passent des écrits, ces candidats rencontrent souvent des difficultés de coordination entre leur vue et leurs gestes se disent complètement démunis. Aymeric*, un ancien élève de la prépa La Chance en situation de handicap ayant candidaté pour intégrer l’école.  Ce constat est partagé par l’essayiste Caroline Huron. "L'apprentissage de l'écriture et la lecture des consignes, qui repose sur des compétences graphiques préalables, devient pour eux un vrai calvaire," écrit cette dernière dans son essai L’Enfant Dyspraxique, soulignant la complexité des défis que les neuroatypiques doivent surmonter dans ce type de concours, puisque les difficultés de lecture et d’écriture de ces candidats existent dès l’école primaire. Ainsi, l’image donnée par l’école, où les personnes sont souvent reçues par l’une des secrétaires indiquant qu’elle est « elle-même en situation de handicap », ne masque pas les réelles discriminations que subissent de nombreux étudiants en situation de handicap présentant un dossier de candidature à l’IPJ.

« Les difficultés d’écriture de ces élèves sont constantes. Ils ne peuvent pas, par exemple, copier un texte court sans erreur dans une écriture cursive lisible, avec une présentation soignée. Surtout, au-delà de la qualité de la trace écrite qu’ils peuvent produire, se profilent les aspects liés à la quantité de ressources attentionnelles qu’ils doivent déployer pour pouvoir lire une consigne et écrire leur raisonnement sur une feuille. »

Cette situation fut analysée dans un essai de la psychiatre Caroline Huron. "L'apprentissage de l'écriture et la lecture des consignes, qui repose sur des compétences graphiques préalables, devient pour eux un vrai calvaire," écrit cette dernière dans son essai L’Enfant Dyspraxique, soulignant la complexité des défis que les neuroatypiques doivent surmonter dans ce type de concours, puisque les difficultés de lecture et d’écriture de ces candidats existent dès l’école primaire. Ainsi, l’image donnée par l’école, les personnes sont souvent reçues par l’une des secrétaires indiquant qu’elle est « elle-même en situation de handicap », ne masque pas les réelles discriminations que subissent de nombreux étudiants en situation de handicap présentant un dossier de candidature à l’IPJ.

Précocement en souffrance

Dès leurs premiers pas dans le système éducatif, ces élèves sont confrontés à des défis qui ne sont pas suffisamment reconnus ni pris en compte lors de l’examen de l’IPJ, où des consignes difficiles et abstraites sont données à l’intégralité des candidats. Caroline Huron, dans son ouvrage L'enfant dyspraxique, détaille minutieusement ces défis scolaires, qu’ils doivent ensuite surmonter dans le monde du travail : "Dans la classe de CP de Suzie, l’exercice de français consiste à remettre les mots d’une phrase dans l’ordre. Pour cela, il faut découper les mots, puis les coller sur le cahier pour reconstituer la phrase. Suzie découpe péniblement les étiquettes, puis les colle du mauvais côté dans son cahier dans un ordre aléatoire," écrit Huron. Elle précise que cette situation ne s'améliore pas nécessairement avec l'âge, surtout lorsque ces enfants passent des concours tels que celui de l’IPJ, où l’ensemble des recommandations demandées par les ergothérapeutes, neuropsychiatres et autres spécialistes du soin sont totalement niées par la direction de l’école, même lorsque les élèves demandent des aménagements supplémentaires : "Les adaptations doivent être déterminées pour chaque élève individuellement chaque fois que cela est possible, car certains enfants lisent plus facilement quand les textes sont imprimés dans des couleurs différentes d’une ligne à l’autre, d’autres préfèrent les surlignages de couleur, et d’autres encore sont gênés par les couleurs."

Des médecins sous le choc

Différents types d’adaptations doivent donc être essayés afin de choisir celles qui aident le mieux, souligne la psychiatre d’Amine*, effarée par le manque d’attention que la direction de l'IPJ a apportée à cet étudiant de 24 ans, qu’elle suit depuis plus d’une dizaine d’années. « Lorsque nous avons commencé à le prendre en charge, Amine était incapable de trouver un intrus parmi une liste de mots. Avec ses ergothérapeutes, nous avons réfléchi lors de dizaines de séances pour savoir quelle serait la meilleure mise en page sur son ordinateur pour qu’il apprenne les bases de la grammaire. Aujourd’hui, il a un bac +3 en lettres. Il a fait de tels progrès qu’il pourrait entrer en école de journalisme, avec l’aide de quelques aménagements que ce type d’écoles refuse de mettre en place le jour des examens » nous indique l’ensemble de l’équipe médicale suivant le jeune homme, qui s’orientera en septembre vers un master recherche. Néanmoins, l’équipe médicale suivant le jeune homme nous précise que ces dysfonctionnements sont très fréquents : "Après quelques années de prise en charge, des neuroatypiques comprennent leurs difficultés. Ils savent plutôt bien nous indiquer s’ils peuvent réaliser un exercice sur l’ordinateur ou si une adaptation numérique est nécessaire, par exemple. Eux seuls peuvent dire si un livre leur est accessible ou si une adaptation spécifique sur un exercice, ou d’autres tâches demandées, est requise." Or, dans l’ensemble des témoignages que nous avons à notre disposition, aucune preuve ne laisse entendre que Stéphane Béchaux et Pascale Colisson ont respecté les demandes de leurs candidats ayant des besoins particuliers, reconnus par la maison départementale des personnes en situation de handicap (MDPH).

 

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